A Los Angeles, quand un Noir rencontre un autre Noir, de quoi causent-ils ? D’histoires de Noirs ? Oui, mais d’abord ils constatent qu’ils sont noirs et dissertent un bon moment là-dessus. Et quand un Blanc rencontre un autre Blanc ? Idem. Et les Latinos ? Pareil. Et les Chinois et les Peaux-Rouges ? Ne cherchez plus. Los Angeles, c’est la ville-laboratoire où s’éprouve en éprouvette la nouvelle donne raciale et du coup chacun y va de son commentaire. Ainsi la met en scène Paul Haggis, jusqu’à présent connu pour le scénario de cristal qu’il a offert à Eastwood, Million Dollar Baby. Collision, son film, plutôt plastoc que Baccarat, est quant à lui une marmite d’eau trouble où se loge un énième et pénible film-choral-à-L-A avec tout plein de personnages qui se croisent partout partout doublé d’un lourdingo film à thèse sur l’état des rapports entre les différentes ethnies peuplant la ville des anges. Inutile de formuler un pitch, vain de raconter un bout d’histoire puisque la matière narrative du film se tire tel un fil d’une pelote à problèmes.
Mais quand même, pour le plaisir (comme disait le poète) : 2 Noirs volent la voiture de 1 procureur blanc et quand une patrouille de 2 policiers à 50% salopard (l’un raciste, l’autre pas) croit leur mettre la main dessus, il y a confusion avec 2 Noirs aisés en pleine sexualité routière et agressés illico par la mauvaise demi patrouille, tandis que les vrais voleurs écrasent 1 Coréen transportant 40 Vietnamiens clandestins, tout ça alors que 1 Latino répare la serrure de la femme du procureur blanc puis celle d’une famille de 3 immigrés iraniens à 66% bien intégrée (la fille est bilingue, déjà américaine), et pendant ce temps le coffre arrière de la femme du Coréen écrabouillé -mais pas mort- est emplafonné par 1 flic noir et sa copine latino qui enquêtent sur la mort d’un collègue ripoux, et ce flic noir, on vous le donne en mille, ce flic, mesdames messieurs, n’est autre que le frère du voleur de voiture qui, après avoir agressé dans la foulée le Noir pipé au volant, s’est fait zigouiller par l’autre moitié de la patrouille de flics blancs à 50% sympathique… etc., etc. Stop.
Pareille purée narrative est vieille, vieille comme le monde et vieille comme Short Cuts d’Altman, qui n’en finit plus de faire des petits. A sa tambouille déjà lourdement indigeste, Paul Haggis ajoute une pincée d’environ une tonne de pensum sur la question raciale pour arriver, on s’en doute, à des conclusions du style : noirs pas tout blancs, tout blancs pas tout noirs, autres ethnies dans la demi-teinte, et vice-versa général. Effet nul de tout cela, compensé par un bavardage surréaliste où les Noirs passent leurs journées à disserter sur le fait qu’ils sont noirs, comme s’ils venaient de le découvrir la veille. Les Blancs, de l’autre côté, savent visiblement qu’ils ne sont pas noirs, mais se demandent quand même s’ils ne sont pas un peu racistes malgré eux. Enfin voilà, on bavarde à LA, la journée passe, la boucle est bouclée, on n’est allé nulle part, c’est la loi de la relativité générale – que personne ne bouge.