Parmi les nombreuses comédies estivales, La Cloche a sonné se place dans un étrange entre-deux, à mi-chemin de la production bourgeoise très officielle et du projet marginal. Une bande de citadins se retrouve pour quelques jours réunie dans une grande demeure rurale à l’occasion d’un stage aux enjeux pas bien clairs. Le maître des lieux, Fabrice Luchini, est une sorte de gourou capable de résoudre problèmes intimes, relationnels et de bien-être. La troupe se laisse bientôt gagner par le syndrome La Ferme Célébrités, se perdant dans les intrigues et la mesquinerie… Drôle de mélange, donc, où se sent autant l’influence de la comédie bourgeoise traditionnelle (l’effet de décalage induit par l’immersion de snobs en milieu rural) que le produit jouant avec la culture real TV.
Rien à chercher alors du côté de la réalisation sans âge ni couleur de l’anonyme Bruno Herbulot, pas plus du côté des seconds rôles faussement luxueux (François Cluzet, Elsa Zylberstein). Le seul intérêt du film demeure Fabrice Luchini, pas vu depuis une éternité, plus au creux de la vague que jamais, qui tente là un come-back des plus kamikazes. Sans doute cette situation intermédiaire, sans accroches (vrai faux has-been en première ligne), sauve-t-elle La Cloche a sonné, l’acteur jouant avec une belle aigreur morose de son nouveau statut d’ancien et de résistant face à la nouvelle génération du genre, en un croisement entre Poelvoorde (petit prof acide) et le comédien que nous connaissions il y a une dizaine d’années. Résultat bizarre, étrange, et qui porte le film de bout en bout, sorte de laboratoire sans point de fuite, organisé à la manière d’un pur test in progress.
A la fois maître et cobaye, l’acteur brille et fait progresser l’ensemble par saynètes, vignettes (seul quand il fait sonner la fameuse cloche de rappel) fusionnant peu à peu. Le contraste entre ses numéros (face à la troupe, en meneur) et ses moments de solitude (silences et amertume visible) agissent par paliers, déplaçant le film vers un territoire moins molletonné que celui de la comédie rurale type. Luchini, vieilli, légèrement bouffi, reste à des années lumières des cabotins de la nouvelle génération, trônant comme un clown blanc (il n’est pas là sans faire penser au Jerry Lewis de La Valse de pantins) dans des abîmes jouxtant le pathétique. Pour y voir plus clair, attendons la suite.