A quoi peut-on s’attendre après un film comme Crash ? La question, à la fois stupide et obsédante, accapare les esprits depuis des mois : David Cronenberg sera-t-il capable de faire quelque chose de plus fort et de plus froid ? Une comparaison serait, en fait, complètement déplacée, car les deux films ne se ressemblent que très peu… Cela en décevra certains, mais le réalisateur n’a pas cherché à pousser la logique du « toujours plus » avec son dernier film. Et ce, fort heureusement, car si l’on prend du recul, il aurait été facile de tomber dans le ridicule en tentant de dépasser les limites ultimes de Crash.
En fait, le Cronenberg d’eXistenZ annonce quelque chose de nouveau -tout en gardant ses thèmes récurrents- en avançant dans des choix de mise en scène pour lesquels il n’avait jamais adoptés jusqu’à présent. A croire que son œuvre se devait absolument de prendre un tournant après un film comme Crash, qui était allé à l’extrême de ses thématiques habituelles.
Pourtant, il n’y a pas de changement de style radical. Ce film s’inscrit parfaitement dans l’œuvre que nous connaissons déjà. Cependant, il la remet partiellement en cause. Car ici le cinéaste donne forme à son film pour aboutir à une réflexion sur lui-même, amenant également le spectateur à se questionner sur ce qui vient d’être réellement vu. Le parallèle entre cette démarche et l’histoire racontée est logique puisque eXistenZ traite des jeux en réalité virtuelle -et, par extension, du questionnement sur la valeur de ce qui est vu par les personnages eux-mêmes…
Cronenberg ne tombe pas pour autant dans le style fatiguant du cinéaste en fin de parcours n’ayant plus rien d’autre à accomplir qu’une introspection. Comme il l’a toujours fait, il continue à donner plusieurs niveaux de lecture à ses films. Ce nouveau tournant reste donc très discret, car l’intrigue est très attractive, troublant le spectateur par la confusion volontairement entretenue entre les différents rapports de réalité. Comme toujours chez ce réalisateur, la réflexion entraînée par le film ne s’impose pas au point d’écraser brutalement l’histoire racontée. Ce qui nous donne donc droit, une nouvelle fois, à une œuvre de fiction remarquable.