Dans le ciel, la fumée d’un avion trace le mot « help ». C’est par cette image que débute et se termine le dernier film de Woody Allen ; Celebrity ou disons plutôt : la célébrité dans tous ses états. Car partant du principe que, comme le dit l’un des personnages du film, « l’on juge une société d’après les célébrités qu’elle se choisit », le réalisateur nous fait entrer dans la ronde enivrante des stars. On valse ainsi de lieu branché en lieu branché, passant allégrement d’un plateau de tournage à un vernissage, du monde de l’édition à celui de la télévision… Entraîné dans ce tourbillon incessant, on finit par se demander si l’on n’a pas été invité à un immense cocktail sur pellicule et dans lequel on butinerait, telle une abeille mondaine, d’invité en invité. La dernière période du cinéaste caractérisée, notamment, par des castings de plus en plus prestigieux et variés nous incite fortement à croire en une telle hypothèse. A force d’avoir tout le gotha hollywoodien qui se bouscule au portillon pour figurer dans ces films, et ceci, même au prix d’un cachet réduit à sa portion congrue de minimum syndical, le réalisateur ne se serait-il pas laissé prendre à son propre jeu ? Mais ce qui apparaît, dans un premier temps, comme une suite de sketches disparates n’est en réalité que la traduction diversifiée d’un seul et même phénomène : la célébrité. Cette maladie de fin de siècle qui tel une épidémie se répand dans toutes les strates de la société, société dont les membres n’auraient plus qu’un seul slogan, l’incontournable quart d’heure d’Andy Warhol. Le lien entre ces mondes différents et semblables s’établit à travers le personnage du journaliste Lee Simon, quadragénaire récemment divorcé de Judy Davis et enivré par une hypothétique liberté retrouvée -Lee Simon est interprété par Woody, pardon ! Kenneth Branagh. Ce lapsus est révélateur d’un choix de mise en scène fort peu judicieux : K. Branagh ne se contente pas d’être le double de W.Allen mais son véritable clone. Que ce soit sa diction, ses gestes et même ses habits, tout nous rappelle le personnage si caractéristique crée par W.Allen à l’écran. Hormis la prouesse de l’interprétation cette option du transfert de personnalité est très artificielle pour ne pas dire agaçante- Le fameux « help » prend alors tout son sens, cri d’agonie d’une société dans laquelle les actes ou les créations importent peu, seul compte l’éclat, même bref, des sunlights, mais également appel au secours d’un homme constamment à la poursuite de chimères professionnelles et amoureuses. C’est surtout dans ce second aspect que Woody Allen se montre le plus convaincant, bien plus que dans son analyse finalement assez vaine du petit monde des célébrités. Le réalisateur excelle toujours autant dans sa description des névrosés new-yorkais aux prises avec les affres de l’âge, de l’amour et de la réussite. Bien plus que Kenneth Branagh, c’est Judy Davis, l’interprète idéale et toujours aussi prodigieuse, qui réussit à traduire l’univers du cinéaste. Seul personnage véritablement sympathique du film, elle trouve une certaine sérénité dans le monde superficiel de la télévision alors que son ex-mari ne sera jamais qu’un écrivain méconnu et velléitaire. Le dernier film de Woody Allen peut certes être qualifié de mineur mais il ne remet pas en cause l’admiration que l’on éprouve pour ce cinéaste et dont on attend la prochaine « livraison » avec impatience.
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