Le conte de fée passé à la moulinette 3D et servi à la sauce MTV, on a déjà vu ça quelque part. Le concept de Shrek fait des émules dans l’animation, on le comprend, mais la nouvelle n’est pas forcément mauvaise s’il y a du cinéma derrière la déconne (juteuse) pour djeun’s. C’est le cas de cette Véritable histoire du Petit Chaperon Rouge, nourrie de culture mercantile, mais signée par un trio qui a de la suite dans les idées. D’abord sur la fabrication du film lui-même, bidouillé entre Los Angeles et Manille dans un délai microscopique qui, au final, s’avère assez bluffant question technique. Enfin, sur le film lui-même, bien plus fouillé et frontal que n’importe quelle production Dreamworks. On sent chez cette triplette un esprit cartésien et un respect du spectateur assez remarquables, un sens de la vitesse et du récit qui, à contrario de l’ogre vert, permet à la parodie de se déployer dans la durée.
Comme on pouvait s’y attendre, ce petit chaperon rouge s’est modernisé. Pattes d’eph’ brodées comme Britney Spears et regard ado arrogant, elle est très forte en kung-fu et se déplace en bicross dans la forêt. Trop rigolard pour raconter l’histoire pour la énième fois, le film commence par la conclusion du conte. Loup déguisé en grand-mère, ladite mémé dans le placard et le bûcheron-sauveur, l’exposition pose l’ironie comme un dispositif qui remodèle en profondeur chaque strate de l’histoire. Principe plan plan de la parodie, mais ici rondement mené : en même temps qu’ils construisent leurs ressorts comiques, les cinéastes tracent plusieurs pistes narratives. Quatre en tout, qu’une grenouille-inspecteur va tenter de démêler en écoutant la version des faits de chaque protagoniste. Et le film de s’attaquer à un autre pastiche, celui du thriller horloger avec intrigue à tiroirs et pirouette finale.
Ainsi structuré (parodie fun + action du thriller), le film fonce sans se poser de questions. La mise en scène joue logiquement les premiers rôles puisque les composantes narratives (personnages, suspens, humour) sont désamorcées. Séquence la plus révélatrice : une course-poursuite dans un wagon de mineur tout droit sortie d’Indiana Jones ou d’un cartoon Warner, où le spectateur se laisse porter par un plaisir forain ouvertement partagé par les cinéastes. Délice primitif du vertige, de la vitesse et des à-coups des virages de montagnes russes, on voit bien que le film ne cherche qu’à s’éclater sur le plan formel, en recherche permanente de sensations fortes. Le fun pour soi et les autres, l’adéquation change tout. Malgré les apparences consuméristes de ce Chaperon numérique, pas un gramme de cynisme, mais un amour jamais remis en cause pour la culture ado.