Gentille vendeuse dans un grand magasin en Belgique, Odette Toutlemonde (Catherine Frot) dévore les romans de gare de Balthazar Balsan (Albert Dupontel), conspué par la critique parisienne qui n’aime pas la France d’en bas (ici la Belgique du sous-sol). L’écrivain n’est pas si philanthrope : complexé de ne plaire qu’à la plèbe, cocufié par une épouse vengeresse, il décide d’en finir. Sauvé in extremis par les pompiers, il retrouve la grâce auprès d’Odette qui, entre-temps, lui a écrit une gentille lettre pleine d’amour et de poésie. S’ensuit une cure de beaufitude et une romance qu’elle est bien plus profonde que les autres. Parce que le vrai amour, c’est casser les barrières sociales, tâter le gros coeur des vrais gens plutôt que de s’afficher avec des vamps super belles à l’air revêche.
Les vrais gens, voilà ce que cherche cette améliepoulinade dégénérée signée Eric-Emmanuel Schmitt, philosophe griffé TF1-RTL qui se rêve rassembleur zen, lucide sur tout le monde. En fait, ce n’est qu’un petit juge : Schmitt sépare le grain de l’ivraie avec une sagesse professorale insoutenable. D’un côté, les cons et les cuistres, toute catégorie sociale confondue, toisés avec un amusement d’anthropologue fumiste. De l’autre, les héros du peuple, les chefs de bande qui s’ignorent, visionnaires naïfs confinant au sacré (le christ accompagne chaque BA d’Odette). L’hypersensibilité d’Odette la transporte littéralement au-dessus du monde, au-dessus de tout le monde. Comme Schmitt en fin de compte, dont la mise en scène regarde ses sujets de haut avec une bienveillance de patron de PME : architecture déprimante, voisins partouzeurs, petite famille sale et méchante (plan séquence en plongée sur chaque individualité de l’appartement).
C’est d’autant plus lamentable que le film ne plonge jamais dans l’univers qu’il est tout fier de quadriller. Au moins Jeunet a pour lui l’application du bosseur qui fignole sa mécanique, y cherchant des enjeux de cinéma. Chez Schmitt, le monde est exsangue, capitonné par les clichés et l’idéologie : plaisirs de la lecture et de l’idolâtrie, ponctués par trois gimmicks répétés à tour de rôle, déclamations (Balsan : « Odette, vous êtes bouleversante de bonté » – Odette : « Balsan, j’aime beaucoup ce que vous faites »). Tout est discours, illustrations ou bavardages. Impossible de savoir ce qui transporte tant Odette dans la littérature de Balsan. Pas une trace, pas un personnage, nada. Schmitt n’est qu’un enfumeur du peuple.