A chaque semaine son film world, in the mood for Festival de Berlin, occasion un peu pathétique de se pencher sur un coin du monde, quelque part entre Hollywood et l’Europe. Contrairement aux belles surprises de ces dernières semaines (Cadeau du ciel et le magnifique Bateaux en écorces de pastèque), Paradise now est un film à sujet qui tape, pas une simple chronique, encore moins un énième film de mariage ou de réunion familiale. Voici donc un film palestinien sur les kamikazes : qui sont-ils vraiment ? Hommes comme vous et moi, bêtes sauvages cramées du cerveau, absurdes victimes de l’Histoire ? Sujet fort, énorme, qui en jette un max. Deux amis d’enfance engagés dans la lutte armée sont désignés pour commettre un attentat-suicide à Tel-Aviv. Rien ne se passe comme prévu quand débarque une femme élevée loin d’ici, porteuse d’une vision différente des choses. Question gigantesque : l’amour va-t-il leur apporter le salut ?
Pathétique exemple d’opportunisme politique (il y a même ici, comme garant d’objectivité, un coproducteur israélien), le film est à ranger dans la catégorie des faux films-chocs sans la moindre épaisseur documentaire types In this world, No man’s land ou cette production afghane sortie l’année dernière et réalisée sur le terrain juste après l’invasion américaine (on a oublié le titre). Films sensés venir de loin pour n’être en fait que le produit d’un consensus lisse comme une belle pomme prête-à-croquer. Les rouages sont toujours les mêmes : grossiers artifices de scénario dissimulés sous le naturalisme (ici le personnage de la belle qui a fait des études en France), mise en scène faussement ascétique, plaisir de la surface et de l’anodin qui se voudrait néoréaliste quand il n’est que la parade à une criante absence de point de vue. Le pire de Paradise now réside dans cette lâcheté-là. Si le stéréotype très BD qui présidait par exemple à la mise en scène d’Intervention divine valait au moins comme déclaration de guerre, l’absence de jugement moral -bâtardise plus qu’humanisme, bien sûr- de Paradise now vaut au contraire comme pur détournement de son sujet. D’où l’atroce banalité du propos que murmure le film : un homme se cache dans tout kamikaze.
D’où surtout le refoulé détestable que Paradise now, sans même le vouloir, donne à moudre au moulin niaiseux de la réduction et du simplisme conduisant aux pires amalgames qui accompagnent chaque jour la question palestinienne. L’absence de toute frontalité dans la manière de décrire les kamikazes, sortes de dandys au regard de cockers, coquilles vides, écarte d’un trait toutes les questions charriées par le sujet, aveuglement religieux autant qu’antisémitisme de masse, brutalité du réel autant que désespoir. Il y a là un calme, une posture désinvolte qui se voudraient pudiques et dégagées de tout moralisme quand le film n’ouvre en fait que sur l’envers crasse d’un humanisme bon marché : docu sentimentaliste, mollesse et vision discount du réel, bonne conscience proche, toute proche d’un révisionnisme à la petite semaine de l’histoire contemporaine.