Un couple a un accident de voiture. Un couple ? Pas tout à fait. A l’hôpital, tandis que les accidentés sont dans le coma, leurs conjoints respectifs, la femme de l’un, le mari de l’autre vont comprendre qu’en plus d’une possible disparition, c’est une trahison qu’ils auront à gérer. Et peut-être, qui sait, une rencontre. Argument de mélodrame absolu : comment se sortir d’un double deuil dont l’un est comme l’exclusion de l’autre ? Beau sujet dont le traitement ne convainc cependant pas vraiment. Quelque chose de laborieux mine le film, l’empêche de sortir de ses gonds et accéder ainsi au mélodrame.
Le problème, peut-être, viens de ce que le réalisateur tient toujours à distance l’épouvante affective d’une telle situation. A force de refuser l’épanchement, de jouer sur les non-dits, le renoncement, le manque de courage de ses personnages, le film s’étiole peu à peu dans une sorte de confort dépressif un peu convenu. On pense à Ang Lee dans sa façon de traiter « par la pudeur » des affects mélodramatiques paroxystiques, mais sans la sécheresse qui donnait une densité à un film aussi académique que Brokeback mountain. Cela ne va pas sans une certaine élégance, mais au final il manque au film cette qualité qui fait les grands mélos : cette façon de mettre tout sur la table, d’étaler au grand jour les passions morbides qui animent les personnages soumis. Filmer l’être démuni, incapable même de se dissimuler derrière les apparences, incapable de masque, c’est peut-être cela le mélodrame. April snow, au contraire, est un peu trop précautionneux. Si en dernière instance, dans son dernier quart d’heure, le film prend une tournure plus intéressante, c’est sans davantage faire de vagues. Dommage.