Après une série B sans relief (Phone game) et une panouille pour Bruckheimer (Veronica Guerin), Joël Schumacher revient avec Le Fantôme de l’opéra sur un projet qu’il caressait depuis plus de quinze ans. Enième adaptation de l’oeuvre archi-visité de Gaston Leroux, son film renoue avec les remakes par Hollywood des gros cartons de Broadway. C’est d’ailleurs Andrew Lloyd Weber, le nabab de la spécialité (Cats) qui partage avec Schumacher la paternité du film. Scénariste, compositeur et producteur, sa mainmise sur le projet n’empiète cependant jamais le pré-carré du réalisateur. Plus encore que ses scénarios louant l’autodéfense dans un nuage de populisme dégoulinant, l’univers gélatineux et froufroutant de cet opéra-rock est une aubaine pour sublimer la veine baroque de son cinéma.
Pourtant, Le Fantôme de l’opéra laisse une impression mi-figue mi-raisin. Assurément pas le chef-d’oeuvre de Schumacher, il n’en reste pas moins une pièce maîtresse qui tire sa filmographie vers le fond. Certes, ses films n’ont jamais la réputation de légèreté, mais pas au point de plaquer la démesure de l’opéra à la narration. Plus le film avance et plus Schumacher s’applique à boursoufler un récit pourtant réduit à sa plus simple expression. Ça pourrait marcher dans un cadre expérimental, sauf qu’ici, on reste à Hollywood devant des ersatz de Ken et Barbie. Et pas de second degré à l’horizon. Le souffle romantique est bruyant, excité, fasciné et surtout systématique. Ce qui donne à Schumacher des allures de conducteurs de pelleteuse rose fushia. On ne voit que lui, mais lui écrase sans vue d’ensemble les pics et les bosses de 2h20 d’hystérie commerciale.
Du coup, cette lourdeur pompière infecte même les grands moments du film, jeux de costumes survoltés et de décors hallucinés où Schumacher donne la pleine mesure de son talent. Rarement le réalisateur n’a atteint autant de frénésie à coupler les couleurs et les matières. De l’antre du fantôme, chapelle gothique clinquante et enchantée aux montants et poulies de la scène, sa caméra participe à l’hystérie collective, jouant de son manque de précision comme d’un plus festif. C’est sans doute dans cette extrême fragilité que s’expliquent les nombreuses pantalonnades de Schumacher. Trop cacophonique pour s’harmoniser au système, trop superficiel pour s’en passer, Le Fantôme de l’opéra restera comme le raté le plus symptomatique de son auteur.