Palpe d’Or du plus mauvais film de la sélection Cannes 2005 (avec une bobine italienne qu’on dit calamiteuse aussi), Kilomètre zéro n’avait rien à y faire. Sinon souscrire au quota de world-film ironique et d’actualité, un par an à peu près (ici un Makhmalbaf père ou fille, là un No man’s land). Et faire plaisir au festivalier qui, s’il aime les froufrous et les transats du Carlton, est aussi vachement concerné par le tiers-monde. Celui-là et celui qui viendra se payer un film kurde en salles seront cueillis à froid : Kilomètre zéro s’ouvre en bagnole, le jour où Bagdad est tombée. Explosion de joie dans le cockpit et un grand merci aux Américains. Ont l’air malins les spectateurs, qui s’étaient imaginés voir des yankees avinés zigouiller de l’enfant irakien au char d’assaut, et qui se trouvent devant un couple de réfugiés kurdes savourant sans retenue la fin d’une tyrannie. C’est vrai, quand on est Kurde, on a bien le droit à ce genre de réjouissances et le spectateur le cul sur son siège rouge n’avait pas pensé à ça. Bien joué le film, 1-0. N’empêche, pour salutaire qu’elle soit de ce point de vue, l’ouverture garde un petit côté tête à claques, tant la volonté de vous fermer le clapet transpire à grosses gouttes. On dirait 2-0 si le film à suivre était à l’avenant et faisait grincer quelques quenottes. Or, non.
Le film qui vient est d’un genre épouvantable et qu’on a bien appris à connaître. C’est justement celui où excelle la franchise Makhmalbaf, où s’est illustré aussi Denis Tanovic et son No man’s land : chronique du chaos pleine d’humour et d’ironie, imagerie de l’absurde, tapisserie de la guerre vue comme sinistre clownerie meurtrière, diaporama d’images fortes et néanmoins saugrenues. Donc, flash-back vers la guerre Iran-Irak où l’on suit un kurde (celui de la voiture) enrôlé de force dans l’armée de Saddam, celle-là même qui bombarde les siens avec toutes les saloperies chimiques imaginables, obligé d’aller guerroyer contre le voisin iranien. Là, le soldat malgré lui tente de se faire blesser pour être rapatrié, puis se voit confier pour mission de ramener dans sa famille un macchabée irakien. Et voilà le road-movie : le héros doit cohabiter avec un chauffeur arabe tout au long du voyage -bonjour l’ambiance, cocasserie quand tu nous tiens. Le temps qu’ils arrivent à destination, le film aura accumulé des tas de scènes-vignettes toutes faites et prêtes à l’emploi : discussions au son du canon à propos des nichons d’Anita Ekberg ; vie, oeuvre et sentences d’un patapouf rigolo boudiné dans son uniforme ; aérobic militaire quand le soldat fait des galipettes pour ramasser un pruneau dans le mollet ; pépé mourant et râleur trimballé dans son lit sous les bombes ; images symboles à la pelle, etc. Humour, quoi. Recette périmée depuis longtemps, qui nous vaut un sempiternel et archi-convenu discours sur le rire comme politesse du désespoir, la poilade qui fait du bien quand tout va mal, la grandeur du sketch en terrain militaire. La leçon ? La guerre est tragique et absurde, c’est la folie des hommes. Rien d’autre, dans le genre scoop ? Non, rien ne vient débloquer le compteur du tacot, pas même la fille du film, qui est jolie mais joue comme un pied.