Avey Tare, Panda Bear, Deaken et Geologist, également connus en tant que membres du groupe new-yorkais chamane Animal Collective, ont rejoint Carpak Record pour créer un nouveau label, Paw Tracks, d’où ils peuvent émettre leurs travaux solos, projets amicaux, délires mystico-récréatifs. Après un premier Here comes the Indian discret et un split EP bruyant avec leurs amis fractals de Black Dice, leurs deux dernières sorties marient lo-fi et folie, deux exemples d’extrême solitude partagée.
Ariel Pink’s Haunted Graffiti, qui n’est pas membre du groupe new-yorkais ci-dessus cité, a enregistré à Los Angles il y a quelques années déjà, ce CDR produit à la maison avec un 8 pistes à cassette, quelques instruments et beaucoup de superpositions. Le collectif animal a récupéré une copie de la chose lors d’une tournée sur la côte Ouest, et en a décidé la sortie « officielle » sur Paw Tracks. De fait, les points de jonction sont : un psychédélisme complètement contemporain (sonorités et avancées de la recherche), la recherche des origines (le souffle) dans une masse chaotique d’information (le flux), et une tendance à la digression dissonante, le goût de la dérive. Ces chansons gorgées de sons indistincts et de bruits parasites, utilisent la stéréo et les vitesses variables pour créer des effets de sidération ou de nausée, évoquant autant de vieux morceaux folks passés à travers le filtre d’une radio FM anté-diluvienne que les explorations mentales et musicales de groupes free-folk comme les Godz ou les Fugs. L’aspect FM tient aussi à certaines suites d’accords, mélodies et sonorités de la variété 80’s (Yes, Supertramp) complètement déformés par le temps et l’inconscient exponentiel d’Ariel Pink’s. Un peu comme si Phoenix avait percuté les Shaggs. Une curiosité.
De son côté, le jeune Panda Bear fait ses prières seul dans sa chambre d’enfant, à ses dieux intimes et à son micro, relié à un ordinateur. En quête d’une spiritualité profondément enracinée dans les tréfonds de son moi le plus profond, en une place mandalesque et archétypale que personne ne veut plus vraiment aller visiter depuis Jung et les indiens d’Amérique, Panda Bear chante comme s’il était seul au monde, au sens littéral du terme : comme s’il n’y avait plus personne du tout sur Terre, plus que lui et son chant autiste. C’est donc bien sûr magnifique à écouter, entre litanie d’aliéné et lyrisme hippie, guitares acoustiques détunées, grésils fluctuants, la voix, les chuintements, les cris et les gémissements de Panda Bear sont réverbérés dans une pièce sans fenêtre, saisis dans un oubli des autres et de soi, essentiel. On apprend ensuite que ces chansons ont été composées et interprétées lors d’une « retraite » destinée à permettre à Panda Bear de réfléchir à la mort récente de son père. Tout cela choque un peu et prend un nouveau tour symbolique, permettant le renouvellement de l’écoute et l’avancée d’une compréhension. Sachant qu’on ne saurait trop s’impliquer dans l’écoute : l’initiative généalogique relevant du jeune Panda Bear seul, on ne peut être que les témoins, muets, de sa quête.