Attention les yeux. Haut et Court présente un film d’Ilan Duran Cohen écrit par lui-même (c’est un romancier dans le mouv’) : tout un programme. Ajoutez-y un filmage en DV, qui joue la réalité en fiction, et on voit tout de suite où veut en venir Les Petits fils. Sa chapelle d’abord, celle des bobos expérimentateurs, le jeune cinéma français d’auteur qui prend des risques et se lavent les mains des problèmes de productions. Son discours ensuite, si convenu qu’il rancira à vue d’oeil : ériger la vidéo, outil de télé, en art cinématographique et sublimer le principe manipulateur de la télé-réalité sans avoir l’air d’y toucher.
Cohen revient donc aux origines du reality-show de la petite lucarne. Le plus simplement cinéma, bref le plus noble et le plus pillé : Strip-tease, l’émission qui dévoile tout, capte tout sans se faire voir par ceux qu’elle filme mais qui aime se montrer pour ceux qui la regardent. Seulement voilà, alors que le module belge n’est intéressant que par son principe ouvertement manipulateur et sa volonté de truculence fictionnelle, Cohen lui préfère l’ambition escamotée de capter le réel. Exercice mille fois revu, mais bon, pourquoi pas. Guillaume, une vingtaine d’années, vit avec sa grand-mère. Disputes, tensions, histoires de familles et pleurs à gogo, rien n’est épargné, pas même le deuil, ici la mère du jeune homme, dont les cendres reposent temporairement sur le balcon. Une enfilade de clichés dont le film ne se remettra jamais. D’autant que la machination à la Strip-tease occupe l’esprit de Cohen à 100%. Pas moyen d’apprécier la construction de cette communauté loufoque qui s’élargit à mesure que le film progresse (l’hilarant Maxime, l’homme de ménage), ni même l’interprétation, pourtant excellente à la réflexion.
Non, le cinéaste recouvre le tout d’une grossière oeillère binaire d’une futilité qui n’a d’égale qu’un narcissisme affligeant : vrai ou faux, à vous de voir. Chouette. D’autant que le dispositif craque de tout bord. Musique ouvertement mélo, cadrages impossibles à reproduire autrement que par la représentation, le cinéaste glane des indices gros comme des camions. Alors il se rattrape par deux-trois scènes estampillées intimistes, si forcées qu’elles gâchent la moindre parcelle de justesse d’un portrait de groupe déjà bien fragilisé : grand-mère et fistons à poils sous la douche, engueulades sur les souffrances du passé devant son bol de Chocapic… De deux choses l’une : soit Cohen s’est adressé aux spectateurs qui n’ont jamais regardé la télé, soit il se prend pour le fils de Jean-Luc Godard version Loft story / DV-stylo. Pour l’air du temps, ça va, pour l’Histoire, on repassera.