Plus de trente ans après Ira Levin, c’est au tour du fameux écrivain Arthuro Perez-Reverte de fournir à Polanski matière à faire un film sur le diable. Mais là où Rosemary’s baby nous surprenait par sa mise en scène audacieuse et sa tonalité ambiguë, La Neuvième porte nous conforte plutôt dans l’idée que Roman Polanski n’occupe plus aujourd’hui qu’un rôle de fonctionnaire du cinéma. Adaptations systématiques, toute puissance du scénario (écrit au détail près), décors coûteux reconstitués en studio et lourde équipe technique, sans oublier un casting alléchant : les film de Polanski sont devenus de véritables machines commerciales, dont les intérêts financiers paralysent évidemment toute prise de risque artistique. Où est donc passée la curiosité du cinéaste, le plaisir ludique et contagieux qu’il prenait à filmer Cul de sac, Répulsion, ainsi que l’ensemble de ses courts métrages ? Inutile d’espérer davantage : La Neuvième porte marque le point de non-retour…
Le film se construit autour des allées et venues de Dean Corso (Johnny Deep), chercheur et revendeur de livres rares, employé par un collectionneur fortuné afin de réunir les trois derniers exemplaires d’un légendaire manuel d’invocation satanique. La quête de Corso, qui l’entraîne de New York à Tolède, et de Paris à Cintra, s’avère bien sûr plus périlleuse et complexe que prévue. Plus d’une fois la mort menace de le faucher, et il ne doit la vie sauve qu’à la présence d’un mystérieux ange gardien : une femme karatéka cramponnée à sa moto, capable de flotter dans les airs, et dont on apprend à la fin du film qu’elle est… Satan lui-même ! A histoire ridicule, traitement médiocre. Le film ne prend à aucun moment le temps d’instaurer l’atmosphère exigée par des situations à la base fort peu vraisemblables. Plutôt que d’avoir recours à une mise en scène intimiste et angoissante, Polanski trimballe son personnage d’un pays à l’autre, d’un taxi à un hôtel et d’une bibliothèque à un autre taxi, au rythme haletant d’une chasse au trésor télévisée. Pas le temps, donc, d’investir les décors onéreux que traverse en courant Johnny Deep, ni de leur octroyer la part de mystère qu’ils étaient censés renfermer. Il est clair que Polanski se fout royalement de la trame mystico-religieuse du film (qu’il traite avec une légèreté navrante, car même pas ironique). Tout au plus se sert-il du satanisme pour pimenter un peu l’intrigue fadasse de son film ; celui-ci aurait, au bout du compte, largement gagné à n’être qu’un mauvais polar.