Si l’Afghanistan vit ses premiers soubresauts démocratiques, elle n’a toujours pas récupéré ses images. Alors que les Makhmalbaf et autres opportunistes ont pillé tout qu’ils ont pu des sujets du JT pour se poser en échotiers de la misère dans les soirées mondaines, ce Terre et cendres grignote ce qu’il reste d’un fait médiatique de plus en plus rassis. Car si Atiq Rahimi est bel et bien Afghan, son regard est carrément occidental, calibré pour la section tiers-mondiste des festivals les plus classes. Exilé depuis longtemps et ami de gadgets intellectuels du calibre de Bernard Henri Levy -ici grand producteur émérite-, il arrive avec plusieurs avions de retard pour filmer le calme après la tempête. Afghanistan, où, quand et comment souffres-tu, l’heure n’est plus au scoop mais bien au constat final triste à pleurer.
En fait, il n’y a que les pleurs qui comptent tant le film n’existe pas. Dès la mise en place, on sent déjà Rahimi reparti à Roissy. C’en est presque fascinant, tant Terre et cendres ne s’approprie aucune image ni matière. Juste des emprunts aux uns et aux autres et une confiance absolue en le spectateur qui voit simplement sa mémoire stimulée. Se souvenir des bombardements, du vieil acteur de Samira Makmalbaf réutilisé dans un rôle similaire et les montagnes pelées si souvent passées en revue sur toutes les chaînes télés. Idem pour l’intrigue qui ne repose que sur la représentation, jamais polluée de détours métaphoriques à la Osama, ni d’apparats de conte féministe de type A cinq heures de l’après-midi. Terre et cendres, c’est juste l’histoire d’un grand-père qui attend son fils pour lui annoncer la mort de sa femme après le bombardement de leur village.
Pas une fiction en fait, juste un fait divers comme tant d’autres, appauvri par sa banalité, écrasé par le soleil et la rocaille, délavé par sa triste familiarité. Un temps suspendu qui rappelle et annonce un cauchemar qu’imaginerait n’importe quel poivrot du café du commerce. Rahimi ne filme pas, il larmoie, il fait la manche. Ses personnages sont devenus des prototypes de sensibilisations humanitaires. Dans le genre, c’est presque plus honnête que ses prédécesseurs : Terre et cendres mendie pour la bonne cause sans jamais se prendre pour un film. Pour une fois, MacLuhan s’est planté : le message, c’est pas forcément le média.