Entre Un Long dimanche de fiançailles, L’Equipier et Les Choristes, le cinéma français surfe sur la vague de la reconstitution, titillant le fantasme collectif du charme désuet et des vieux souvenirs d’antan. Impossible donc de ne pas voir en les Fautes d’orthographe, une nouvelle pierre à l’édifice du moment. Flash-back dans un pensionnat de défavorisés à la fin des années 60. Pour confronter son fils Daniel aux dures réalités de l’existence, le directeur l’envoie dormir chez les internes. Mais qui dit fin des années 60 dit mai 68. D’abord empoté, le fiston va prendre goût aux nouveaux idéaux socialistes et les appliquer malicieusement. Oui, malicieusement, pas violemment. Avec un titre et un casting pareils, Les Fautes d’orthographes est condamné à se complaire dans le genre comédie familiale, avec une gentillesse de futur prime-time en ligne de mire.
C’est le gros boulet du film, engoncé dans ses conventions, répétant mécaniquement les principes du film d’enfance, plus précisément du film scolaire sans broncher. Panel sociologique, fayot de service et tapisserie pittoresque, Jean-Jacques Zilbermann s’immerge dans le genre avec trac, cloisonné par son décorum. Pour faire dans la vanne facile, archi-scolaire. D’habitude plus malin et tonique, le cinéaste filme le pensionnat comme un endroit vierge de toutes représentations ou imageries populaires. Ce qui donne lieu à une contradiction plutôt plombante. Le film multiplie les clins d’oeil (« souvenez-vous, l’horrible purée à grumeaux, souvenez-vous Doisneau, les doigts fouettés par la règle du maître ») sans enfourcher fermement l’intrigue, comme pour défricher un terrain méconnu.
Puis à une encablure de scénario, le film se lâche, enfin secoué par un enjeu fort. Du poster vieillot, Zilbermann glisse dans la chronique ultra-personnalisée. Plus incarné, le personnage de Daniel cristallise toutes les attentions au point de carrément devenir metteur en scène. Les seconds rôles se succèdent, prennent part activement à cette réorganisation. Alors même que le film atteint son zénith de rythme, on voit clairement la politique de la mise en scène : traiter l’esprit de 68 par une montée en puissance et refléter l’obscurantisme des années 60, par la pantomime et l’illustration. Pour la finesse, on repassera. Dommage : à force de rester incognito dans le système pour l’exploser de l’intérieur, le micro-anarchiste Zilbermann s’est fait à moitié digérer.