Attention, artillerie lourde. Sean Penn est un artiste engagé, le Robert De Niro new age. Il se situe dans la grande tradition des hommes de gauche d’Hollywood, les intègres, les exigeants qui placent la politique au centre de la création tel un prêche grave de cureton salvateur. Créé sûrement pour balancer un discours cinglant aux Oscars, devant un parterre de stars debout prêt à applaudir, le vibrato calé sur l’hommage digne et amidonné, The Assassination of Richard Nixon plonge paradoxalement avec complaisance dans le rance et le conventionnel, la dévotion la plus étriquée, comme une machine desséchante. Le politique ici y est socio-cinéphile. Penn incarne un employé de bureau minable des années 70, dont la vie familiale désastreuse et ses rapports professionnels idoines accroissent sa haine envers Nixon. Niels Muller filme ces justifications sociologiques pendant 1h35, laissant à son acteur la responsabilité d’incarner les différentes facettes de la folie, de la médiocrité et de la frustration. Ce qui est beaucoup pour un seul homme, aussi star soit-il.
Rarement un cinéaste américain aura démissionné aussi vite de ses fonctions. Muller se lave les mains dès la mise en bouche par une structure en flash-back et une charte graphique de type Sydney Lumet gâteux, qui désamorce tout enjeu. On y voit Travis (Penn, qui arbore le même sobriquet que le Taxi driver) planquer son arme dans sa bagnole marron avant de revenir au début de sa descente aux enfers. Le film peut ainsi dérouler son scénario, se réfugier dans une observation de star laissée à la dérive, et caler l’oeuvre dans une mise en perspective actuelle. Penn grimace tant qu’il peut, gratte la corde du malaise sociale jusqu’à l’épuisement. Toujours extérieure, la mise en scène enregistre les performances les unes après les autres, laissant l’incarnation du personnage à une intuition ballotte du spectateur. Penn se fait virer parce qu’on l’insulte, Penn gère mal son divorce parce qu’on l’a viré donc Penn devient fou. On est pas loin du scoop.
Et cette option de suggérer à tout va donne au film un mouvement laborieux et contenu vers l’arrière. On en revient constamment au point de départ : la préparation du meurtre, les tics nerveux de Penn, la vignette sociale qui se suffit à elle-même. Au delà de la déprime, le film travaille surtout sa propre médiocrité. Revenir aux seventies pour Muller n’a rien d’une cure de jouvence. C’est juste un tic vintage (le design, les téléphones à cadran et les raies sur le côté), un vague souvenir de grands sujets de société et d’anti héros transformés malgré eux en anges exterminateurs. Bref, un crédit chic de bon ton, qui labellise a priori la pire fumisterie. Sans rire, The Assassination of Richard Nixon, ça en jette comme titre. Ça suffira sûrement pour les Oscars.