Le petit topo d’introduction fait très peur. On était parti pour un drame familial, et puis non, Scott McGehee et David Siegel nous expliquent sans plus de détails que les concours d’orthographe sont très populaires aux Etats-Unis. Au bout de deux scènes, ça fait tilt : une gentille petite fille un peu délaissée par ses parents surbookés (lui, Richard Gere, prof de spiritualité à la fac, elle, Juliette Binoche, laborantine distraite) bouleverse l’équilibre familial en s’affirmant surdouée pour les susdits concours. Le père, qui préférait jouer au violon avec son fils, passe tous ses loisirs à l’initier à la Kabbale. Du coup, la mère ne va pas très bien et le frère aîné, un peu dégoûté par son papa, va pleurer auprès d’une jolie Ari Krishna.
Les Mots retrouvés, c’est un peu ça, la famille bourgeoise américaine court-circuitée par Laurent Romejko, un thriller contemporain à base de consonnes et de voyelles, une observation du tout religieux qui rampe sous les aisselles de la société occidentale post 11-Septembre. En voila une belle lorgnette pour scruter l’état du monde, mais question maîtrise et finesse, il faut assurer. Couple d’inséparables qui ont leur place bien au chaud dans le paysage indépendant (Suture et Bleu profond), Scott McGehee et David Siegel n’ont rien de bras cassés. Et c’est presque pire au fond, on aurait préféré mille fois un thriller joufflu qui ne fait pas dans la dentelle plutôt que cette tentative de chef-d’oeuvre condamné à foirer. Les cinéastes pourtant y croient et par moments, par instants, ça paie. Pas de fulgurances, plutôt une tenue générale aussi proprette que platounette : beau film, bien éclairé, bons acteurs, voila c’est tout. Allez soyons chic, on note une belle propension à enregistrer le crescendo du malaise familial, grâce à quelques codes délicatement retournés, tel Richard Gere, parfait en despote progressiste.
Seulement, rien ne peut empêcher le film de sombrer dans une ritournelle soporifique bourrée de clichés. Encore moins d’accumuler les ratages et de s’y empêtrer. On pense à la mise en scène de la Kabbale, d’une pauvreté absolue, diluée entre un bavardage poussif et quelques clips timides où les mots flottent comme la portée musicale d’un vieux Karaoké. Paradoxe qui fait mal : d’un coté le film est comestible quand il se fait anecdotique et poseur, de l’autre, il est abominablement raté dès qu’il a le courage de prendre son sujet à bras le corps. Imparable ce truc, il teste mieux que quiconque le talent brut des cinéastes : énergie, foi en l’image, virtuosité, les compteurs de McGehee et Siegel sont au point mou.