Rouquine veermerienne d’un village sinistre quelque part en France, Claire tombe fortuitement enceinte. Trop tard pour avorter, elle décide d’accoucher sous X. C’est pourtant relativement pénible à vivre, aussi panse-t-elle ses plaies en travaillant dans l’atelier de broderie de madame Mélikian, petite personnalité du village qui bosse en free-lance pour les grands couturiers parisiens, mais qui broie du noir suite à la mort de son fils. Sinistrose et thérapie de groupe, c’est la thématique appuyée d’Eléonore Faucher dont Brodeuses inaugure sa filmo et alimente la veine naturaliste sous-Pialat du cinéma français. Entre les violences familiales et un goût certain pour capter le buté et l’agressif, Faucher marche tranquillement dans les pas du maître, comme une bonne élève disciplinée.
Mais une tradition en chasse une autre. Sous les dehors rugueux des villages mesquins et mousseux, Faucher fait plus simple, genre Le Vieil homme et l’enfant, voire Une Hirondelle a fait le printemps : rencontre inter-générationnelle, transmission du savoir, famille de substitution, etc. La broderie et l’ambiance funeste ont beau régner en maître-fioriture, on est rapidement fixé. Trop tôt, la cinéaste lève le voile et installe le film sur des rails rectilignes aux éventuelles contours archi-prévisibles. Froideur initiale entre les deux personnages qui s’entraident de force, puis respect, compassion et congratulations mutuelles ; ça tourne pépère, d’autant que la gamine se trouve un nouveau copain.
Restent de mini-enjeux, relevés logiquement sans éclats : le geste au travail, quelques plans esthétisants sur les oeuvres de Claire et sa patronne, comme si la cinéaste se foutait de la broderie en tant que tel. Seule l’enregistrement des scènes semble suffire au film, qui ne reste qu’une succession d’illustrations volontairement ternes (attention réalisme) et logiquement ultra-scénarisée. De cette anesthésie déprimante, la mise en scène surenchérit les sinistres dialogues à grasse portée symbolique, qui exige des comédiens un affinage immédiat sous peine de crash absolu. Sûrement parce qu’elle a plus de bouteille (et que son personnage d’endeuillée arménienne est plus stylisée), Ariane Ascaride s’en sort assez bien, insufflant au film un professionnalisme à l’américaine plutôt étonnant. Pour elle, on peut claper des paupières.