A quelques jours d’intervalle, deux cinéastes réputés, hâtivement, pour leurs films scatos et déconnants, nous offrent des œuvres remarquables. Chacun d’eux, que se soit, Pedro Almodovar avec Tout sur ma mère ou John Waters avec Pecker, réussit là son meilleur film. Les mauvaises langues diront qu’ils se sont assagis, mais il est préférable d’employer un terme plus adéquat, celui de maturité.
Avec Pecker, John Waters n’abandonne aucunement sa vision subversive de l’Amérique ; seul l’aspect provocateur, un peu facile, est mis de côté. Il nous livre tout simplement un manifeste de son cinéma à travers le personnage de Pecker (Edward Furlong), photographe amateur à Baltimore. Pecker photographie tout ce qui passe devant son viseur ; un hamburger bien gras dégoulinant de fromage fondu, sa petite amie (Christina Ricci) dans sa laverie automatique, des rats copulant dans une poubelle. En d’autres termes : « l’art est partout », tel serait le credo du cinéaste. Il est également celui de Rorey (Lili Taylor), galeriste new-yorkaise qui s’enflamme pour les œuvres du photographe. Pecker, célèbre du jour au lendemain, se retrouve alors catapulté, avec toute sa smala, dans le monde snobinard de l’intelligentsia new-yorkaise. La confrontation entres prolos et intellos fleure bon le vécu mais elle a le mérite de ne jamais être démago ou méprisante. La galerie de portraits du milieu artistique esquissée par le cinéaste est hilarante. Plutôt qu’une confrontation, le film tend vers une cohabitation de ces deux mondes. A l’image de la scène finale où les branchés new-yorkais débarquent en bus à Baltimore pour faire la fête dans un bar gay à l’occasion d’une exposition des photos de Pecker. Mais Pecker n’est pas uniquement une fable sur la célébrité -John Waters n’a pas oublié ses premières amours. Sa vision de l’Amérique boulimique à travers le personnage de Little Chrissy (Lauren Hulsey), la petite sœur de Pecker, est des plus réjouissantes. Cette accro de la bouffe passe son temps à engloutir des sucreries. Lorsqu’elle sera enfin « désintoxiquée », il ne lui restera plus qu’à se faire des rails de petits pois !
Au programme du dernier film de John Waters, il y a donc de l’art et du lard. A consommer sans aucune modération.