Joli titre, deux films : un scénario de Charlie Kaufman filmé par Michel Gondry + un film de Michel Gondry, le premier embrassant le second comme une paire de parenthèses. Le scénario Kaufman est une resucée du problème qui, visiblement, le taraude de récits en récits : qu’est-ce qu’il y a, concrètement, à l’intérieur de la tête de quelqu’un ? A l’intérieur de la tête de John Malkovich (Dans la peau de John Malkovich), de la sienne (Adaptation), d’un bon sauvage (Human nature), d’un dangerous mind (Confessions d’un homme dangereux) ? Toutes histoires qui pourraient n’être qu’une enquête quasi deleuzienne : à quoi ça ressemble, une idée dans la tête d’un auteur ? Ici, il s’agit d’entrer dans la tête de Joel (Jim Carrey, coiffure normale : événement), quidam dont l’histoire d’amour avec Clementine est en phase terminale, à telle point qu’elle a décidé de l’effacer de sa mémoire, grâce à un procédé nommé Lacuna. Joel, au fond du trou, décide de faire de même et contacte la start-up. Mais alors que les techniciens suppriment un à un ses souvenirs, il s’aperçoit soudain que la flamme n’est pas morte et entame une lutte pour sauver sa mémoire.
Là, le film de Gondry prend le relais. Met en images l’intérieur de la tête. C’est la partie centrale du film, la plus ennuyeuse (une série interminable de situations répétant les mêmes motifs), mais au fond pas la moins intéressante. Un peu vaine parce qu’il ne s’y agit que d’étaler des trouvailles, des trucs rutilants, de construire de toutes pièces un univers de trucages et d’images impossibles, irrationnelles, censées n’être qu’imaginables qu’en rêve. Performance recluse, mais fonctionnant malgré tout sur de vraies idées de mises en scène foraines : inversion des proportions (Joel et Clementine prennent un bain dans un évier), décors bouleversés à coups de minuscules retouches tantôt high-tech tantôt artisanales, jeu sur les distances, petits personnages courant de souvenirs en souvenirs, magie du cinoche. Une sorte de Tron beaucoup plus fun et doux. Ensuite, retour à Kaufman, qui termine le film en hypothèse de love story sur fond de réminiscence platonicienne (nous nous sommes aimés, nous l’avons oublié, aimons-nous pour retrouver la mémoire). Il y a une réelle séduction, en même temps qu’une immense vacuité, dans ce double film auquel l’artiste Pierre Bismuth a participé. Et surtout une impasse : le meilleur de Gondry, ce sont, à la limite, chacune des saynètes prises une par une. Alors il s’agirait de clips, art où il excelle. Le meilleur de Kaufman, lui, reste à déterminer : il a beau (se) creuse la tête, ce qu’il y trouve relève toujours d’un brainstorming assez creux, qui bride l’effusion créatrice, l’imagerie des ses partenaires, Jonze ou Gondry. Pas facile, comme dirait l’autre, d’être l’homme neuronal.