Surprise plouf du dernier festival de Cannes, Old boy ne fit pas l’effet escompté. Et quel effet au juste ? Un effet, juste un, pur, ciselé, pointu, saignant. On dira : un cinéma sans conséquence. Comme projet, ce n’est pas rien, évidemment. Pourvu d’un sujet en or -pitch royal : un homme est séquestré 15 ans sans savoir par qui, pour quoi, pour combien de temps, puis libéré du jour au lendemain-, le nouveau Park Chan-wok (Join security area, Sympathy for Mr Vengeance) joue la carte pop de ce cinéma-là, anobli aujourd’hui par les Kill Bill de Tarantino. Il est à classer, pourtant, dans la catégorie peu reluisante des petits kings de l’esbroufe, qui bluffent les cinéphages grassouillets et morts de faims. Entièrement voué à l’horizon d’un cinéma se rêvant décomplexé, libéré de toute bienséance, dédié à la litanie des inutilités, prétendue cathédrale plastique, Old boy ne tarde pas à révéler sa vraie face : du racolage actif vendu à toutes les facilités en guise de passeport pour le pays bas des films cultes.
Donc le héros est retenu prisonnier dans un appartement sordide par des pros des vacances à l’ombre : c’est de toute évidence la meilleure partie du film, celle où s’accouplent avec bonheur la totale vacuité du style et le défilement des jours, remplis par rien, sinon une télé et la certitude, pour le séquestré, que l’avenir aura pour nom vengeance. Ensuite, tout s’accélère et dégénère en série Z maladive, en tout cas proclamée comme telle. En fait un plus ou moins ragoûtant déluge de pseudos pirouettes esthético-trashs, plat de brochettes bêtement provoc’, ultra creux, au fond dénué du moindre désir de cinéma, remplacé au pied levé par un étalage de gadgets sans âme : le héros dévore vivant un poulpe qui enroule ses tentacules autour de ses narines en signe de protestation, et vlan, c’est la scène-qui-tue. N’empêche qu’au fond le tout est tristement animé d’un esprit de sérieux, lisible tout au long du foireux récit aux tiroirs vides déployé par le film. Flaque sans reflet en lieu et place du jouissif concentré de virtuosité promis, Old boy patauge dans son imagerie grandiloquente, traficotant une espèce de noirceur en guise d’alibi. Trop malhonnête pour assumer ses délires bleurp, trop hypocrite pour revendiquer son arsenal toc (attention, ceci n’est pas un film gratuit, mais noir), Old boy s’avère d’une bêtise profonde, à l’image du récit en rut (une grotesque affaire de traumatisme sexuel) qu’il chevauche à l’aveugle. La scène chantilly du film dit à peu près justement jusqu’où la baudruche prétend gonfler avant d’exploser. Long travelling latéral le long d’un couloir où le héros zigouille à coups de marteaux une bande d’hommes de main anonymes, ballet glissé-porté, débauche for free d’un même geste répété jusqu’à l’épuisement = rêve caressé au papier de verre d’un cinéma dont l’immédiateté des effets accumulés serait le sésame d’une profondeur cachée et mélancolique. En fait, une grosse totoche glauque emportant dans son sillage une chevelure terne d’ennui et, pire, d’indifférence totale.