Déjà le quatrième opus de la saga et, à nouveau, toute la presse s’emballe. On loue la prouesse graphique, la finesse scénaristique soit disant inégalable, les énigmes sidérantes et la force immersive du titre de Cyan. Alors quoi, on vous ment sur toute la ligne ? Oui et non, car au-delà des infâmes publi-chroniques, il y a sans nulle doute quelques apologies sincères, des coups de foudres acceptables et évidents. Reste que depuis les origines de la saga, il y a un énorme malentendu au sujet de Myst. Difficile dans cette affaire de distinguer clairement les aficionados des détracteurs, car il ne s’agit certainement pas d’une banale bataille entre casual et hardcore gamer. En vérité, le quiproquos repose sur la nature même de la saga : Myst -et cela vaut pour Myst IV– n’est pas un jeu vidéo. Problème : on s’obstine encore à vouloir faire passer l’idée qu’il en est, sinon la quintessence, en tout cas l’un de ses plus dignes représentants. Dans ces conditions, parce qu’il y a derrière cela une parfaite malhonnêteté de la part de ses instigateurs et promoteurs, c’est bien sous le prisme vidéoludique qu’il faut juger Myst IV. Dommage pour lui, mais, en effet, on vous ment.
D’un point de vue graphique d’abord, difficile de glorifier cette esthétique ringarde, tendance Jules Vernes-Cine FX. C’est propret dans le genre onirique certes, mais clichetoneux à souhait. Plus immonde encore : ces incrustations vidéo d’acteurs réel dans le décor de synthèse. Et l’occasion pour Myst de faire dans le social en jouant encore une fois la récup’ de vrais acteurs de seconde zone, à l’heure ou l’industrie du cinéma encourage plutôt la disparition des comédiens de chair au profit d’avatars plus malléables et sans ego. Question histoire, Myst IV bégaye avec ses grosses ficelles scénaristiques à bases de pénibles allers-retours dans des âges-mondes parallèles. A la demande d’Atrus, ce Gandhi utopiste-mégalomane qui créé des mondes paradisiaques en rédigeant des livres, vous jouez les espions en vous rendant dans les mondes de Spire et Haven pour voir si ses deux turbulents rejetons sont bien gentiment restés au piquet.
Dans la pratique, l’aventure se traduit par une suite d’énigmes plus ou moins tarabiscotées à résoudre via une interface en vue subjective. Et un curseur / main qu’il s’agit de balader sur chaque pixel de l’écran pour savoir s’il y a moyen d’interagir avec un ou deux éléments du décors. Pas rien cette fameuse main. Myst IV révolutionne même le système puisque celle-ci accompagne dorénavant toutes vos actions : pour baisser un levier, par exemple, il faut mimer avec le curseur le mouvement de bas en haut qu’implique le geste. Idem en ce qui concerne l’ouverture des tiroirs, des placards et tout autre mécanisme à déclencher pour progresser. Concrètement, quel est l’apport de cette nouveauté en matière de « gameplay » (si l’on s’autorise à parler de gameplay à propos de Myst) ? Cela renforce-t-il l’immersion dans un jeu dans lequel on a toujours eu beaucoup de mal a plonger ? Pas vraiment, cet artifice parasite achevant de complexifier la tâche du joueur, obligé de simuler avec précision les mouvements de la main à la souris.
Pour ceux qui peinent dans ces vastes univers toujours aussi désespérément dépeuplés, les développeurs ont adjoint au jeu une option « aide » par l’intermédiaire de laquelle toutes les énigmes leurs sont révélés. Bonne manière de mettre fin à cette arnaque vidéoludique qui promet l’immersion alors qu’elle n’engendre précisément que son contraire : on entre dans Myst IV comme on plonge dans une séance projo-diapo de vacances en famille. Et ce ne sont pas les emphatiques mélodies de Jack Wall (le John Williams par défaut du jeu vidéo) et Peter Gabriel qui changent la donne. Plus que jamais, la saga de Cyan apparaît comme un résidu anachronique de l’ère révolue des CD-Rom interactifs et autres CD-I. Là voilà la révélation.