De John Berry, réalisateur décédé à la fin de l’automne 1999, on gardera une autre image que celle laissée par cet ultime et médiocre long métrage. Peut-être celle de He ran all the way, beau film noir qu’il réalisa en 1951. Ou bien celle du martyr de la chasse aux sorcières, lui qui fut dénoncé par Dmytryk et qui dut s’exiler en France. Mais l’on oubliera vite, ce Boesman & Lena, adaptation peu convaincante d’une pièce d’un dramaturge sud-africain, Athol Fugard. Cet auteur et son œuvre sont peu connus ici, et ce n’est pas le film de Berry qui risque de changer la donne. La faute en incombe à une mise en scène qui ne parvient jamais à rendre la force d’un texte, et ne réussit pas à transformer un espace théâtral en espace cinématographique, essayant tant bien que mal -plutôt mal- quelques poussifs mouvements de caméra, histoire de montrer qu’on n’est pas sur une scène, mais bien dans la toile. Ne blâmons néanmoins pas trop le pauvre John Berry, car qu’y avait-il à filmer, au fond ?
Dans cette espèce d’En attendant Godot afrikaner, l’essentiel de l’action se résume aux turpitudes d’un couple de déshérités sud-africains. Déshérités et noirs bien entendu. Danny Glover et Angela Basset en font des tonnes et des tonnes, surtout cette dernière (à côté d’elle, le père Danny est un monstre de sobriété, c’est dire !). Ils roulent les « r » avec acharnement, pour bien reproduire l’accent local, poussent des cris, gueulent, hurlent, sans jamais donner ni corps ni coeur à leurs personnages. Mais où est la mesure ? Où est la finesse ? Tout ça sent mauvais la composition à outrance, la performance artificielle, la course aux Oscars… Autant dire qu’à moins d’être soi-même comédien, et de prendre des notes sur ce qu’il ne faut pas faire sur une scène ou derrière une caméra, on s’ennuie ferme, sans même avoir la possibilité de piquer un petit roupillon tant ces pseudo-acteurs font du bruit avec la bouche au lieu de jouer la comédie. Un bien triste testament pour John Berry, qui méritait mieux.