Le beau souvenir laissé par La Mémoire dans la peau, de l’excellent Doug Limpan, laissait présager du meilleur concernant la première suite au roman initial de Robert Ludlum, même dans les mains d’un presque inconnu (Paul Greengrass, Ours d’Or à Berlin pour un film sans lendemain). Bourne, reclus à Goa avec sa compagne Marie, a laissé derrière lui sa carrière de machine à tuer. Malheureusement, une sombre affaire impliquant services secrets US et mafia russe le replonge dans l’enfer des courses-poursuites ininterrompues et sans véritables limites. Sans surprise, le film de Paul Greengrass revient aux origines de la franchise : traques à échelle mondiale, intrigue post-Guerre Froide, cadre vieille Europe (Berlin et Moscou ici, après le Paris assez vieillot du premier épisode).
D’où vient alors la déception que le film entraîne dès ses premières scènes ? De l’intrigue tout d’abord, qui si elle pousse à leur extrémité les principes de saturation et de mouvement perpétuel du premier volet (on passe sans crier gare d’un bout à l’autre du monde, selon une logique jouissive et complètement aléatoire), manque de ce qui faisait toute la sève du film de Liman : la blancheur du héros, sorte de robot trop parfait qui devait remonter, geste après geste, action après action, le fil de son humanité. Plus rien de cela ici, plutôt un programme à l’ancienne qui, en faisant de Bourne un être sans véritable ambiguïté, partagé entre ses parts humaine et machine, déroule le fil que le premier volet se plaisait à remonter. Plus généralement, ce côté en roue libre, défaisant les nœuds de l’original, donne au film un caractère peu affecté, souvent complètement désincarné.
Second problème, Paul Greengrass. Non que le cinéaste soit à proprement parler incapable de filmer les scènes d’action, puisque leur côté illisible possède un charme certain (comme si le film s’aveuglait lui-même devant le déluge des rebondissements) : ce qui gène est que ce choix esthétique, probablement par défaut, annihile la force cinétique de ce par quoi tenait le premier film dans son ensemble. Alors que Liman tirait d’une intrigue assez plate et bancale un formidable réservoir à sensations (fluidité, transparence, vitesse), Greengrass tire d’un scénario plein comme un oeuf une sorte d’efficacité hachée, sèche, presque archaïque. Ce hiatus entre les deux films est un problème majeur : tout ce que La Mémoire dans la peau contenait de promesses et de modernité (un idéal de série B aqueuse post-Mission Impossible), La Mort dans la peau l’annihile pour en faire un honnête thriller à l’ancienne.