Qu’on l’aime ou pas, il faut convenir que François Ozon -ambition devinée film après film-, a atteint aujourd’hui la place d’où il peut se montrer, lui, et voir le cinéma français tout entier : une place proche du milieu entre les deux tensions de la profession, auteurisme et popularité. Disons le statut envié d’auteur populaire. Moins une situation de rayonnement -celle, abandonnée par Truffaut et que Desplechin aurait pu reprendre (son dernier film, Leo, dit combien il a raté le coche), du point central d’où se diffuse pensée du cinéma en action, prestige et succès public- qu’une position de confort. Aussi l’on taxerait vite et volontiers son dernier ouvrage, 5×2, de film bourgeois. Ce serait encore prêter beaucoup d’intentions et de puissance à un film qui en manque beaucoup. 5×2 = un récit à rebours, à la Irréversible, succession de 5 flash-back d’une vie à 2 : divorce, rewind : crise, rewind : naissance du premier enfant, rewind : mariage, rewind : rencontre. Astuce qui relève de la tautologie maquillée : volonté de mettre en forme la tragique fatalité des histoires d’amour, à l’aide :
a) d’un dispositif narratif qui répète l’idée (des fois qu’on l’aurait pas comprise),
b) d’une série d’indices hurlés (malaise lors de l’accouchement, aventure interdite de la mariée le soir des noces, etc.) laissant à croire que si l’histoire avait été narrée à l’endroit, les conclusions eussent été les mêmes.
5×2 apparaît alors pour ce qu’il est : une succession rebondie de non-scoops. Le tourner-vite, que réclame la position-phare du french cinema, se montre ici pour ce qu’il est parfois : laissez-passer pour l’insignifiance et garantie de succès à tous les niveaux. Segment 1, après le juge, monsieur et madame se retrouvent à l’hôtel pour faire l’amour une dernière fois mais une brusque sodomie, douloureuse pour elle, symbolique pour lui, conclut la tentative. Il y a tellement peu de spontanéité, tellement de calcul (attention scène forte, dure, sans concession) dans cette manière de clouer le bec (par avance) à un spectateur auquel il est demandé (par avance) d’abandonner ses contradictions au pied de l’autel de la force du réel. Tellement peu de spontanéité et la rime du film (défilé in-the-mood-for-lovien de variétés italiennes dans les couloirs) insiste encore, presque ricanante, presque cynique, à montrer que tout cela, pour un cinéaste de la trempe d’Ozon, est assez fastoche. Fastoche, comme la lecture d’un hors-série Biba sur les difficultés du couple, à quoi 5×2 peut être naturellement comparé.