Très attendues, Les Chroniques de Riddick devaient être le film d’un passage pour David Twohy, le réalisateur du cultissime Pitch black, dont le film reprend les fondements. Promesse de séquelles à venir aidant, on attendait de Twohy qu’il passe à la vitesse supérieure, celle du blockbuster au long cours, quand Abîmes, son précédent film, n’était encore qu’une série B ultra-maîtrisée et sans grande ambition. Sans être une vraie déception, tant elles sont parcourues de visions merveilleuses, Les Chroniques de Riddick laissent un regret : celui de constater que Twohy n’a visiblement pas envie de passer le cap de la démesure que son style baroque ne cesse de promettre. Le film, malgré un budget amplifié, demeure une sorte de méga-série B un peu cheap se refusant à toute amplitude. La faute, si c’en est une, à une intrigue extrêmement simple et linéaire, sans la moindre envergure : alors que les Necrommongers, peuple impérialiste, convertissent les planètes à leur mode de vie et lobotomisent leurs habitants, on vient chercher Riddick, bandit nyctalope, pour sauver la galaxie.
Si l’épure de l’intrigue aurait pu donner lieu à un récit picaresque et spatial plaisant, jamais le film ne trouve son rythme propre. Il se découpe ainsi laborieusement en trois parties, manquant singulièrement de rebondissements, pour contredire la promesse du titre : une manière de journal intime d’un malfrat jouissif parcourant la galaxie. A l’exception d’une belle scène de transit vers une planète, nourrie d’une voix-off sympathique (le seul moment où le film touche à la structure de la chronique), le reste n’est que ressucée de space-opéra au jargon complexe et lourdement symbolique (la planète Crematoria, très chaude), plombé par un humanisme creux (un personnage refusant d’être colonisé lâche : « ce qui fait notre force est notre diversité et notre multiplicité »). Dommage que la métaphore soit si pataude, tant le choix de s’en prendre insidieusement à l’impérialisme culturel US (la planète résistante aux architectures arabisantes, l’esthétique résolument moyen-orientale des décors et des costumes), tranche avec les habitudes.
Mais tout cela, au fond, est sans importance. Twohy est avant tout un grand faiseur d’images, et son film est bourré à craquer de séquences prodigieuses, d’idées visuelles foisonnantes, de rayons de génie fulgurants. De la première séquence, trouvant dans la synthèse une matière irréelle et onirique (Riddick court sur un labyrinthe en forme de damier géant) à la longue scène de combat sur la planète Crematoria, qui retrouve la grâce baroque de Pitch black et son expressionnisme halluciné (il faut échapper au soleil), tout évoque un imaginaire stupéfiant de beauté, un regard tout à la fois incandescent et naïf porté sur le genre. Cela ramène à plusieurs évidences. D’abord, disons que si Twohy, même s’il s’entêtait à ne réaliser que des super série B au scénario récalcitrant, demeurerait l’un des cinéastes d’action les plus importants du moment, quoi qu’il arrive. Ensuite, signalons que la force d’un film tient moins dans la rigueur de son architecture d’ensemble que dans le soin qui le nourrit dans le détail, l’irrigue secrètement, à l’ombre des éléments les plus ostentatoires. Trouver la majesté dans une structure limitée au maximum : tel semble être le credo de Twohy, la grande promesse de son cinéma et sa malédiction.