Curieusement tombé dans l’oubli le plus total immédiatement après sa très confidentielle sortie américaine, Coming apart arrive à nous dans la fraîcheur d’une actualité qui lui est propre. Il se présente comme un sorte de psychodrame à domicile qui veut dire la faillite d’un homme et sa tentative de thérapie par l’image filmée à travers un dispositif ingénieux et candide : une caméra cachée dans un cube tapissé de miroirs, braquée sur un sofa derrière lequel trône un autre miroir, un grand celui-là, renvoyant l’image d’un studio ouvert sur les buildings de Manhattan. Là, sur ce sofa, dans ce petit appartement, défilent conquêtes d’un jour, ex furax, épouse délaissée, partouzeurs occasionnels. Actualité, donc, mais pas au sens où le film pressentirait quelque chose d’aujourd’hui -le goût des dispositifs panoptiques tels que la télévision les expérimente, la fortune de la notion de « flux ». Mais, à l’inverse, au sens où il est pleinement de son époque, pile dans l’actualité du cinéma, des acteurs, des désirs d’alors.
De fait, par la mise en scène fiévreuse d’une sexualité animée par des acteurs lâchés, par son usage du lieu comme métaphore à prendre ou à laisser -l’appartement comme figuration figée de la psyché du personnage, le miroir comme gouffre béant où s’échoue cette âme perdue-, par le recours au plan séquence fixe et son goût des scratchs et de la pellicule rayée, Coming apart s’approche et se tient à distance des grandes aventures formelles de l’époque, de Warhol à Cassavettes, en passant par les franges les plus intenses du jeu façon actor’s studio et un finale destructeur digne de Zabriskie point. En même temps, y résonne l’effort visant à circonscrire un territoire singulier, fait de désirs soupirés (le beau regard implorant du travesti pendant la partouze), de déchirures amoureuses, voire de porno burlesque (grande scène avec une jeune femme surexcitée prête à toutes les folies sous l’oeil interloqué de monsieur). Coming apart pâtit un peu de ses multiples voisinages (Warhol en premier lieu) mais tient de bout en bout son originalité, îlot unique et qui pourtant partage le même oxygène, le même mood que tous les objets inclassables de ces années-là, de cette ville-là.