Dans sa quête d’identité, la comédie française se lance aujourd’hui dans le « docu-menteur » à la Spinal tap. Super idée : remplacer le groupe de rock par un boxeur aléatoire, et le tour est joué. Un problème quand même : Casablanca driver est moins drôle que le plus pathétique épisode de Papa Schultz, raclant des fonds de nullité que même un Claude Zidi, voire un Patrick Braoudé, n’ont pas atteint dans leurs derniers attentats. Etonnant tout de même, tant le genre se prête à toutes les fumisteries et ne nécessite en principe que des rudiments de mise en scène : juste une compilation d’interviews et de contrefaçons bricolées de la réalité, où seul importe de tenir son sujet. Trouver un ton qui permette de dérailler en toute liberté : c’est ce que Christopher Guest (Bêtes de scène) ou Peter Jackson (Forgotten silver) avaient par exemple réussi sans forcer.
Maurice Barthélémy, pitre des Robins des Bois, vendange donc l’occasion dans les grandes largeurs. La faute à quoi ? Pas tant au burlesque déflationniste désormais irritant des Robins (moins c’est drôle, plus c’est drôle) qu’à la même sécheresse qui pourrissait de l’intérieur un film comme Les 11 commandements : une insolence sans objet, une arrogance de tous les instants qui est l’effet TV, sorte d’esprit de conquête (on va tout casser) qui passe difficilement le cap du grand écran. La mise en scène insipide (entre les Guignols et un sketch de Karl Zéro) n’est rien comparée à l’absence totale de finesse psychologique en jeu ici, et qui demeure pourtant la sève secrète du genre. L’art de la caricature passe par une charge affective -amour, haine ou tendresse pour les modèles- totalement absente de Casablanca driver, petit manège tristement creux et déshumanisé.
S’ajoute à cela la délirante galerie de caméos interprétant les personnages qui gravitent autour de l’animal Casablanca (le boxeur débile) : Dieudonné en Don King discount, Marina Foïs, Isabelle Nanty, Elie Seimoun, Chantal Lauby, Alain Chabat, etc. Le gratin, et avec lui moins une ronde copinante attendue que l’impression d’un passage en force qui ruine tout ce que le film devrait garder de fraîcheur et de naïveté. Barthélémy n’a rien compris : Casablanca driver joue la férocité et la sécheresse lorsqu’il devrait toucher (tout ce qui tourne autour du personnage principal) et afflige au moment où il devrait passer à l’action. Sinistre détraquement d’une comédie française à 90% partagée entre cinéma et télé, vieux croûtons dégénérés et jeunes chiens fous consanguins.