Le cinéma de genre français n’a pas la forme. Heureusement, Aruna Villiers est arrivée, avec dans sa besace un producteur généreux et ouvert (Luc Besson), une idée formidable (le premier film à traiter frontalement du clonage, sic), des acteurs au sommet (Christophe Lambert, Nastassja Kinski), une réalisation qui en jette un max (filtres, effets spéciaux et images de synthèse). Avec autant de boulets à ses pieds, A ton image pouvait difficilement espérer renouveler la mode du film de possession enfantine et rivaliser avec les joyaux nippons de Kurosawa ou Nakata. Qu’importe, Villiers a pour elle deux arguments de poids : d’un côté Besson (la promotion pompière et délirante accordée à cette série Z en plein festival de Cannes), de l’autre Lambert, capable de vendre le plus infamant des traquenards auquel il a collaboré avec une énergie sans pareille.
Mathilde et Thomas, deux personnages plus tout jeunes qui viennent de se rencontrer, vivent leur passion comme une seconde chance, l’occasion de tout recommencer. Problème : Mathilde ne peut pas avoir d’enfant et semble dissimuler un étrange secret. Thomas, bon pied bon œil, a l’idée du siècle : son collègue le professeur Cardoze, un être méphistophélique (Andrzej Seweryn de la Comédie Française), se propose de prendre en charge la grossesse de Mathilde en partant d’une théorie de clonage mystérieuse. La jolie petite fille qui naîtra de cette expérience se transforme peu à peu en monstre sanguinaire… A ton image est tiraillé entre deux options. L’option « c’est l’Amérique » : image publicitaire, mouvements de caméra amples, musique envoûtante, recours à des effets de terreur très codés (en gros : La Malédiction réalisée par le premier venu). L’option »film d’auteur français » : c’est Lambert qui s’en charge, mélange de naturalisme campagnard (le père de famille provincial perdu dans le doute) et de lourdes problématiques existentielles (comment dire à Mathilde son stratagème un peu diabolique).
Au finish, un film qui ressemble à tout et à rien, une oeuvre bancale, sans fond ni forme, un ovni comme seul le cinéma fantastique français peut en offrir. C’est à la fois réjouissant et honteux. Réjouissant : ce genre de micro-accident industriel témoigne d’une naïveté telle qu’il laisse devant lui un terrain complètement vierge, où l’on voit que personne, du début à la fin de la chaîne de confection du film, n’est en mesure de prendre le contrôle de quoi que ce soit. Loin des systèmes cyniques ou saturés qui existent ailleurs, le fantastique français est une page blanche qu’il reste à remplir. Honteux : ce genre de micro-accident industriel témoigne aussi d’un mélange de stupidité et de sérieux qui nous ferait presque regretter la plus débile des pochades post-Scream. Naïveté et sérieux à toute épreuve : la paradoxe sans fin du cinéma de genre à la Française.