Ce n’est pas faute d’avoir dit, ici, combien le cinéma de Hong Sang-soo nous est précieux. Trois films sortis en retard (Le Jour où le cochon est tombé dans le puits, Le Pouvoir de la province Kangwon, La Vierge mise à nu par ses prétendants), puis un autre, solitaire (Turning Gate), ont tranquillement installé HSS comme possible et imaginaire neveu coréen et alcoolisé d’Eric Rohmer.
Présenté en Compétition officielle à Cannes, La Femme est l’avenir de l’homme (après Duchamp et La Vierge…, c’est Aragon qui est mobilisé) semble arriver à point pour couronner une jeune carrière sans faute. Pourtant, à la vision de ce bref opus, difficile de ne pas le soupçonner d’être commandé par une nécessité qui le dépasse : peut-être, c’est une hypothèse, fait (vite) pour Cannes, pour être le film de la reconnaissance, La Femme… est l’œuvre la moins réussie de Hong. La parfaite continuation, à double tranchant, d’un cinéma pourvu d’un unique mais riche horizon. A double tranchant parce qu’en tant que prolongement de ce que le cinéaste a mis en place quatre fois auparavant, le film demeure la pleine expression d’une signature, d’un style, mais n’est pas pour autant une opération d’addition, ni non plus de soustraction. La Femme… n’apporte pas grand-chose à l’oeuvre de HSS, tout comme elle ne lui retire rien. Dans ce pas grand-chose, il faut mettre une plus grande épure du récit, Hong ayant semble-t-il laissé derrière lui, pour le moment, les alambics narratifs des trois premiers films. En cela, son film suit le chemin emprunté par Turning gate, le souci d’une autre forme de clarté littéraire, d’une plus transparente simplicité. Mais alors il est tout autant difficile de savoir que faire d’un tel film, puisqu’on pourrait y voir aussi une forme de petite paresse ou de reformulation tranquille.
Certes avec La Femme est l’avenir de l’homme, Hong Sang-Soo est au bord de la redite. Ce n’est pas si grave, tout bien considéré, tant il est bon de réécouter la petite musique tremblante de ce cinéma du piétinement mouvementé. Le dispositif est désormais bien identifié : ici deux hommes un prof (comme souvent chez HSS) et un apprenti cinéaste (idem, HSS étant d’ailleurs cinéaste et enseignant) et une femme, que les deux amis aimèrent il y a longtemps. Déploiement de l’habituel ballet : grandes virées éthyliques, micro-événements qui retiennent le film entre leurs mains minuscules, scènes de sexe déréglées. Pour le mode d’emploi, voir, revoir les films précités. Tout y est dit, avec ce brio comique et bouleversant dont Hong a le secret, et dont La Femme est l’avenir de l’homme n’est qu’un beau murmure supplémentaire.