Girouette sympathique, expert es produits dérivés (de Superman aux Armes fatales), Richard Donner voudrait, pour une fois, faire la une. Son nouvel opus, auto-financé comme rarement chez lui, traduit bizarrement une envie d’en finir avec l’anonymat confortable : devenir enfin un cinéaste, tenir tout seul le gouvernail d’Hollywood après quarante ans de services commandés. Exit donc les superstars du moment, les nababs hégémoniques et les genres pantouflards, place au casting transparent -d’où Lambert Wilson émerge trente secondes- et à l’exploitation d’un matériau anachronique, loin des standards du moment. Ici un roman de Michael Crichton, maudit du succès depuis le désastre financier du 13e guerrier, qui mêle anticipation délirante, Moyen-Age en carton pâte et esprit ludique de série B.
L’intrigue : un groupe de jeunes archéologues part à la recherche de son patron, perdu dans une faille spatio-temporelle ouverte au hasard par un mauvais génie capitaliste. Catapultés en pleine guerre de 100 ans, ils n’ont que six heures pour revenir au XXIe siècle. Un pitch à la Goonies ou Visiteurs à l’envers qui, avant même le premier tour de manivelle, pointe le malaise Donner. Fraîchement indépendant, le sympathique tâcheron se cherche déjà des genres codifiés. Mais à se couvrir ainsi, il s’oblige à jongler avec les styles, trouver une cohérence, soigner les ruptures. Alors, complètement dépassé, il revient à ce qu’il sait faire, de la lecture frontale, pas compliquée, suivie à la virgule. Le film se laisse donc filmer, bêtement, sans distance, comme si Donner laissait au placard ses velléités d’auteur sans vraiment essayer.
Les scènes s’enfilent et s’oublient, libérées du temps, du film. Pourtant entre deux bâillements, Donner-auteur montre via sa fébrilité, une naïveté profondément touchante. Tétanisé par la liberté, son film se réfugie dans quelques fulgurances techniques, comme un recours bienvenu à deux-trois ficelles inusables et apaisantes. Notamment lors de la bataille finale, fondue dans une ringardise involontaire de mauvais péplum, d’où jaillissent une poignée de récurrences fantastiques. Des catapultes charriant des boules de feu dans la nuit, image identique insérée plusieurs fois, qui à elle seule vaut en savoir-faire la trilogie entière du Seigneur des anneaux. Séquence fabuleuse qui échappe au destin de ce film mort-né, rappelant la superbe modeste d’un éternel esclave Hollywoodien.