Après deux épisodes SNES et un épisode PlayStation qui font encore verser des torrents de larmes aux rétro-gamers les plus nostalgiques, la saga des Mana (Seiken densetsu pour les puristes), oeuvre-matrice de l’action-RPG, revient après une longue absence sur GBA, avec un simili-remake du premier opus, rebaptisé Sword of mana. L’occasion d’examiner en détail le cas de ce monstre sacré du RPG à la japonaise et de faire le point sur son éventuelle émancipation, attendue de pied ferme depuis de nombreuses années. Malheureusement, sous couvert d’un scénario prétexte un peu fade, Sword of mana se contente de rabâcher des routines de gameplay n’ayant que très peu évolué depuis la SNES. Et ce n’est pas ce tableau de chasse des ennemis rencontrés façon pokédex et une gestion des PNJ un peu bancale qui feront oublier la disparition du mode « deux joueurs », point fort de l’épisode Secret of mana, sur SNES.
Faut-il pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain ? Pas forcément. Bien qu’écrasé sous le poids de la tradition, Sword of mana délivre un charme tenace qui lui est propre, un univers figé dans un moule immuable, probablement rébarbatif, construit autour de figures rétrogrades qui ont au moins le mérite de former un tout cohérent. Un monde coloré, mignon et vivant, influencé par le cycle jour-nuit qui le transforme peu à peu en un inépuisable laboratoire de recherches faune-flore. Une véritable invitation au safari sauvage et à la ballade contemplative, parfois empreinte d’une poésie naïve -cf. le récit des aventures du petit cactus ou le système des sauvegardes, activées par la prière du personnage principal devant la statue de la déesse Mana. Un tel génie du petit détail « qui fait mouche » aurait mérité de se voir illustré plus largement et de manière nettement plus poussée.
De ce Sword of mana , furieusement conservateur sur le fond, on attendait beaucoup plus qu’une simple synthèse des acquis de son glorieux passé. De là à y voir une illustration de plus des méfaits du retro-gaming, il n’y a qu’un pas. Que nous ne franchirons pas. Puisque, fatalement, toutes les grandes sagas RPG-jap’ (de Final fantasy à Dragon quest) souffrent aujourd’hui du conservatisme convergeant de leurs fans, passionnés mais de plus en plus autistes, et de leurs concepteurs frileux soumis à la loi de l’offre et de la demande. Dans ce contexte, ce nouvel épisode déçoit par son immobilisme. Un mal pour un bien, peut-être, Sword of mana compensant son absence d’originalité par tous les gages de son excellence. Le renouveau du RPG japonais, lui, se fait encore fiévreusement attendre.