Si Le Dîner, dernière fiction en date d’Ettore Scola, rassurait sur la maîtrise technique constante du mythique réalisateur de Nous nous sommes tant aimés, Gente di Roma vient quant à lui confirmer une usure plus profonde : une verve satirique réduite à l’état de trace ou d’argument folklorique. Vrai-faux documentaire plus ou moins surjoué et mis en scène sur une journée romaine prise dans toute sa durée (d’une aube à l’autre), Gente di Roma est un produit télévisuel dont les tenants et les aboutissements demeurent assez obscurs. Un exercice tranquille, un peu pantouflard, dont on se demande bien l’utilité d’une sortie en salles.
Alors que la main du cinéaste demeure très sûre, notamment dans sa façon d’entremêler dialogues et va-et-vient en une petite sarabande à ciel ouvert, le propos du film flotte ou patine à chaque fois qu’il devrait prendre son envol. A travers une multitude de personnages croqués en quelques plans, le cinéaste tisse un réseau de circulations qui communiquent difficilement entre elles. Opposition entre vieille gloire historique de la ville et horizon à la modernité incertaine, gestes saisis sur le vif (une femme prépare le repas de son mari ouvrier au petit matin), élucubrations sur le racisme, nostalgie des luttes communistes et fière ouverture vers l’avenir : tout cela nourrit mollement le film, sans qu’aucune assise ne vienne organiser les multiples pistes qui s’offrent à la caméra.
Il faut alors en revenir à de pures parenthèses, restes assez pathétiques de la grandeur « fictionnante » de Scola : ici l’enquête d’un jeune immigré surexcité dans un bus peuplé de voyageurs passifs, là l’affrontement entre un vieux patriarche et son fils qui l’emmène à l’hospice, le temps d’une irrésistible scène de comédie qui évoque la férocité des Nouveaux monstres. Petits arrangements avec le passé autour d’un minimum syndical touristico-sociologique sans véritable mobile. Ce genre de film embourgeoisé, insidieusement conservateur, ne fait évidemment l’intérêt de personne.