Ong-Bak nous arrive avec l’aura d’un phénomène. Luc Besson en grand seigneur l’a pris sous son aile, l’a fait bénéficier de son art sans égal du (re)montage, a généreusement balancer sa bande son originale à la poubelle au profit de rythmes abrutis -rien que pour nos yeux et nos oreilles, et on le remercie bien humblement de tant de magnanimité à nous épargner ainsi le folklore ésotérique du Tiers-Monde. De l’exotisme, point trop n’en faut, il a bien raison Besson. Cela étant précisé, l’affiche nous prévient que l’Asie envoie « son nouveau dragon ». Qui pourrait bien être candidat au titre de successeur du petit dragon, Bruce Lee ? Ni Bruce Le, ni Bruce Li, ni aucun autre clone de l’homme au regard-foudre. Il s’appelle Tony Jaa, c’est un Thaïlandais bien bâti au visage de gentil paysan. On ne peut lui ôter cela : du point de vue de la pure performance physique, le warrior est un sacré balaise. Sans le moindre trucage (mousse, câbles ou trampoline), il saute par-dessus des voitures, glisse sous d’autres, marche sur la tête de ses adversaires, et surtout cabosse des crânes, fracasse des membres, infliges des K.O. sans retour. Il pratique le muay thaï, un art martial du cru qui, évidemment, pourrait tuer tant il est puissant -dixit un ancien bastonneur reconverti dans la vie monacale, de peur de céder à la violence et de faire des morts supplémentaires. Le scénario de Ong-Bak ne casse pas trois pattes à un canard, mais de toute façon personne ne le lui demande. Pour le résumer, quand même : Tony Jaa y incarne Ting, un jeune villageois dont le patelin est en émoi depuis qu’on a dérobé la tête d’une statue de Bouddha. La terre sèche, les vieilles femmes se lamentent, et Ting prend le chemin de la grande ville, Bangkok, dont le ventre sale sert de théâtre à sa chasse au trésor, ponctuée d’affrontements avec des sbires maigrichons et des boss plus ou moins bavant de rage.
Le film ne vaut pas grand-chose, mal monté, mal filmé, assez stupide dans l’ensemble. Reste Tony Jaa. Sans être versé dans l’exégèse des arts martiaux, on ne peut qu’admirer son talent d’acrobate : Tony Jaa et ses pirouettes, ses envols, ses rotations, sont assez cinégéniques. Trop sans doute pour le film qui ne sait pas vraiment quoi en faire. Alors il décompose chaque coup, chaque technique à grands coups de ralentis. Vous n’avez pas bien vu ? On vous le remontre. Une fois, deux fois, trois fois. Non, vous n’avez pas rêvé. A force, ces ralentis détruisent tout ce que le film tente laborieusement en termes de découpage. Au premier ralenti, on devine déjà les cascadeurs prêts à recevoir un coup de coude sur le crâne. Au second, on ne voit plus que ça. Un peu comme un Tigre et dragon où les câbles seraient fluos. La brutalité assez impressionnante des combats elle-même ne résiste pas à ce charcutage de l’intérieur. Pour mieux montrer les prouesses de son héros, le film ne recule devant rien mais en paie le prix fort : tout se révèle pour ce qu’il est, cascade réglée au millimètre, exploit forain. Alors que les enchaînements de Tony Jaa, et son corps tout entier, réclament simplement d’être filmé à toute vitesse.