Tout le monde en parle. The Rock, vraiment catcheur, un peu acteur recherche figurants à dessouder, bimbos à emballer et partenaire à taquiner. Oeil de boeuf, muscles luisants et doigts de boucher, l’homme du ring veut faire du cinéma et se verrait bien en nouveau Schwarzenegger. Après le carton (pâte) du Roi scorpion, Bienvenue dans la jungle est donc le film-test, celui qui déterminera son avenir commercial. Mais aussi un curieux instantané, comme un press book interactif et existentiel qui débroussaille le terrain des possibles, affiche clairement les intentions de l’apprenti acteur.
Le script réunit A la Poursuite du diamant vert et La Chèvre. Soient les années 80, pic du cinéma musclé et rutilant. Un homme de main (The Rock évidemment) recherche le fils de son patron, aventurier à la petite semaine, dans la forêt amazonienne. L’armoire à glace aimerait bien raccrocher pour se payer un petit restaurant italien, juste un boui-boui sympathique et sans prétention. Mais comme dans toute bonne série B, la dernière mission sera la plus dure. La plus instructrice aussi, car c’est bien d’apprentissage qu’il s’agit ici, tant ce buddy movie prend des allures de mise en abîme. Lâché dans une jungle hostile, cynique et plus dangereuse qu’il ne croit, The Rock prend souvent des notes. Des coups aussi, sous la ceinture, perfides vaches et hilarants. Vannes cinglantes persiflées par l’aventurier minable, humiliation sur son propre terrain -la baston- quand un nabot lui inflige une correction d’art martiaux, le pré-acteur apprend dans la douleur, la raillerie permanente. Mais se relève et montre également ce qu’il sait faire. Univers impitoyable où la survie est jouissive, c’est la définition que donne The Rock d’Hollywood et de la jungle.
Après Very bad thing qui fantasmait les dérives de jeunes yuppies, le réalisateur Peter Berg aime tellement l’esbroufe et l’humour de bizutage, qu’il maintient cette distanciation travailler le film sans toutefois s’en contenter réellement. Petitement virtuose, Bienvenue dans la jungle aspire à plus d’ampleur, de force, de discours politique. Mais, incapable de faire autrement, Berg désamorce systématiquement les grandes, revenant à l’ironie par faiblesse. A la fois le plus et le moins du film : un ricanement omniscient qui repère la moindre variation, tâche où faute de goût, mais qui empêche le film de se prendre totalement au jeu de la série B. On peut penser qu’à l’avenir, The Rock finira major de sa promo virile, mais Peter Berg restera longtemps encore dans le purgatoire des ironiques imparfaits.