Premier long métrage réalisé et écrit par des indiens d’Amérique, Phœnix Arizona n’est pas sans rappeler Nola Darling de Spike Lee. Assister à la prise de parole d’une communauté jusqu’alors cantonnée dans des représentations stéréotypées est une expérience, en soi, passionnante. C’est par le biais du road movie que Chris Eyre a choisi de parler de son peuple.
Victor (Adam Beach) doit se rendre en Arizona pour recueillir les cendres de son père décédé qu’il n’a pas vu depuis l’âge de douze ans, mais il ne dispose pas de l’argent nécessaire. Thomas (Evan Adams), son souffre-douleur depuis l’enfance, lui propose alors de financer le voyage à condition qu’il puisse l’accompagner. Leur parcours permettra de briser un tabou qui minait leurs relations depuis de nombreuses années : la mort des parents de Thomas dans un incendie provoqué par le père de Victor. Cette trame scénaristique n’est pas l’aspect le plus intéressant du film, d’autant plus qu’elle est servie par un duo un peu trop caricatural. Victor nous est présenté comme un indien farouche et massif, alors que Thomas est le petit indien frêle à lunettes, caractérisé par sa logorrhée. Cependant, c’est par son flux de paroles que se révèle le film. La parole permet, en effet, à cette communauté d’exister enfin à l’écran. Les mythologies véhiculées par le cinéma sont, avec beaucoup d’ironie, sans cesse remises en cause par les personnages. Comme par exemple la scène où Victor reproche à Thomas son attitude stéréotypée : « Combien de fois as-tu vu Danse avec les loups, 200 ou 300 fois ? » Cette distance vis à vis d’une certaine culture, d’une certaine histoire jusque-là représentées à travers le prisme du cow-boy, rend le film très séduisant. Malheureusement, le réalisateur n’arrive pas toujours à maintenir l’humour nécessaire, et il colle parfois trop près à une mythologie indienne convenue. Les flous et fondus enchaînés des images d’incendie sur fond de musique ethnique nappée de guitare électrique ne font alors qu’alourdir son propos. Malgré ses maladresses évidentes et quelques lourdeurs scénaristiques, Phœnix Arizona demeure un film extrêmement sympathique.