Il arrive parfois qu’un jeu d’apparence anodine bénéficie d’un peu de valeur ajoutée lorsqu’on le replace dans un contexte donné. Dans une Europe désertée par les RPG japonais, par exemple, Arc : Le Clan des Deimos, dernier avatar en date de la série méconnue Arc the lad, apparaît presque comme un messie. Un messie un peu cheap, qui ne dupe personne, pas même ceux qui n’ont jamais goûté aux joies de l’import NTSC. Comparé aux grosses prod’ Square-Enix, Final fantasy en tête, Arc ressemble en effet à un petit pétard à retardement, sorti trop tardivement pour impressionner la rétine, pas assez consistant pour faire oublier la grosse artillerie.
Ceci dit, il serait assez injuste de le réduire à une sorte de pis-aller pour euro-RPGamers affamés. Le jeu a ses défauts, manque cruellement d’originalité et de personnalité, mais il développe, à travers son intrigue soumise aux dogmes du genre -bande de puceaux surarmés vs dictateur expansionniste-, des thématiques qui pourraient bien attirer l’attention des joueurs les plus blasés. Scindé en deux, le scénar suit le parcours de deux frères jumeaux séparés à la naissance, enfants métissés d’une humaine et d’un « deimos » (créatures démoniaques qui doivent beaucoup au folklore nippon), deux races qui se vouent une haine tenace. Si ce genre de dispositif choral n’est pas nouveau, il trouve ici une véritable justification : les deux héros s’opposent, par leur apparence : l’un est purement humain, l’autre rongé par sa monstruosité. Par leurs motivations : défendre leur peuple d’adoption respectif. Mais leurs parcours entrent en résonance, distillant les mêmes sous-quêtes, les mêmes clichés et archétypes. Ce sont comme deux points de vue distincts pour une même aventure, avec d’un côté une trame ultra-classique et de l’autre, sa propre relecture, plus sombre et plus perverse.
Arc échappe ainsi, en partie, aux affres du manichéisme, mais aussi à l’angélisme cucul qui voudrait traiter deux peuples en guerre sur le même pied d’égalité. Les Deimos sont effectivement plus retors, plus violents que les humains, et leurs petites trahisons au sein d’une équipe plus ou moins soudée s’imposeraient presque comme un leitmotiv tragi-comique surprenant, transcendant les habituels clichés du genre basés sur l’amitié indéfectible et les amourettes de collégiens. Le RPG de Sony ne parvient évidemment pas à assumer cette dualité jusqu’au bout, ni à en tirer quoi que ce soit de vraiment neuf, faute de scénaristes réellement talentueux ou ambitieux. Mais au sein d’un genre qui, il faut bien le reconnaître, repose énormément sur tout ce qui touche à la narration, Arc : Le Clan des Deimos parvient à tirer son épingle du jeu et à faire oublier ses évidentes faiblesses vidéoludiques.