Le ramdam médiatique autour de Good bye Lenin ! aurait-il permis à Chère Martha de connaître les plaisirs d’une sortie française ? Possible. Bardé de prix aux quatre coins de l’Europe, cette première tentative de l’Allemande Sandra Nettelbeck a tous les ingrédients pour mettre en appétit les sélectionneurs de festivals du vieux continent. Tout y est : grande gastronomie (soit un peu français), gentillette opposition saxon-latin, petite constellation nationale des meilleurs comédiens de l’union, de l’Italien Castellitto au Danois de Festen, Sören Ulrich Thomsen.
Le scénario se construit finalement sur le même principe, rondes de situations, entremêlements de thématiques pour autant de petites saynètes, où chaque sujet a le même temps de parole pour ne pas empiéter sur l’autre. Avec un fil conducteur classique : Martha, la meilleure chef cuisinière de Hambourg, peu portée sur la vie en société, doit se charger de la garde de sa nièce, tout récemment orpheline. Totalement dévouée à son travail, il sera difficile pour elle de concilier vie de famille, vie professionnelle et pulsions d’ours mal léché. D’où remise en question, évolution, crise, ouverture d’esprit, love story, équilibre enfin trouvé et générique final.
Il serait amplement facile de dézinguer Chère Martha pour son incommensurable frousse à s’extraire de la grammaire téléfilmique. Certes, Paolo Conte et son sempiternel Via con me sont réquisitionnés à chaque séquence clipesque de chronique heureuse. Certes, la photo blanc cassé change une appétissante assiette de pigeon truffé en brandade de morue Captain Iglo. Mais cette manière frêle, pétrie de timidité, de tenter quelques trucs de cinéma donne à ce premier film un coté affable, bien élevé, qui éponge avec douceur tout cynisme. Il faut voir Sergio Castellitto, dans une caricature sympathique de fantasque cuistot italien, prendre en main tout ce petit monde, lui insuffler quelques fulgurances d’énergie et d’humour. Le maigre intérêt de Chère Martha ne repose que sur l’émouvant tremblotement qui découle de cette envie de bien faire. Mais ces quelques précieuses béquilles de cinéma, trop parcimonieuses et finalement un peu malsaines, ne permettent pas au film de se tenir debout. Et questionnent avec angoisse. Comment Sandra Nettelbeck peut-elle approfondir cette matière dans un second opus ?