Le premier opus paraissait sur les écrans en 1940. A l’origine, le « projet Fantasia » devait être un film remanié chaque année en de nouvelles variantes, une série en perpétuelle évolution… La colossale ambition du vieux Walt pour ce légendaire ballet musical du cinéma d’animation s’est cependant éteinte au fil du temps, faute de temps et de moyens financiers (sic). Une soixantaine d’années plus tard, son neveu, Roy Edward Disney, reprend le flambeau pour nous présenter une nouvelle version du dessin animé fétiche de la grande usine à fric. Tout aussi mégalomane que son oncle, Roy Edward a donc décidé d’ouvrir la nouvelle année avec ce Fantasia 2000, en fixant la date de sortie au premier janvier. Petite démarche symbolique, juste histoire de nous dire poliment : « Messieurs, dames, j’ai l’honneur de vous annoncer que le troisième millénaire sera placé sous le signe de l’hégémonie du grand capital ! » Applaudissez donc, c’est ce qu’on vous demande…
Au-delà du procès intenté à l’empire Disney depuis des dizaines d’années -quant à son immorale politique de vente et de propagande-, penchons-nous ici sur les méthodes douteuses ayant rendu possible la réalisation de Fantasia. Dès le premier opus, en 1940 donc, le sieur Disney n’a pas hésité à plagier des cinéastes bien moins réputés que lui. Citons par exemple Oskar Fischinger qui avait réalisé -pas moins de dix ans plus tôt- une série d’études sur la synchronisation entre musique et image animée. Celle-ci mettait en scène des formes abstraites de cinéma d’animation sur des compositions d’auteurs classiques (Mozart, Bach…) ou contemporains (de Louis Amstrong à John Cage). A titre d’exemple, il n’y a qu’à comparer « Toccata et fugue en ré mineur » (second chapitre du premier Fantasia) avec le Studie n°7 de Fischinger (1931), pour s’apercevoir que Walt Disney a pillé sans scrupules les idées du cinéaste allemand pour les réutiliser dans son film (en plus de la mise en scène, la chorégraphie et certains motifs animés ont été repris tels quels !). Soixante ans plus tard, Fantasia 2000 est un long métrage basé sur les mêmes principes (l’ouverture sur la cinquième symphonie de Beethoven est un énorme pompage de Fischinger et de Len Lye). On peut y voir toute une série de courts métrages d’animation voulant nous faire oublier le plagiat honteux de l’époque, en nous présentant le premier Fantasia comme référence absolue. Pas bête, hein ?
Finalement, la seule véritable évolution de Fantasia 2000 est une évolution technique : images de synthèse, technologie Imax*, procédés d’animation extrêmement évolués… En gros, les idées des autres sont exploitées de nouveau et mises en forme avec des moyens bien plus imposants…
Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, la plupart des spectateurs n’ont que faire des sombres cinéastes expérimentaux des années 30 et préfèrent de loin consommer du grand spectacle… Disney remporte la partie. Ah qu’il est joli le capitalisme !
* Le système Imax n’est d’ailleurs pour ce film qu’un prétexte au spectaculaire, car les avantages de la vision panoramique ne sont ici que très peu exploités.