Gros et beau coffret de cinq DVD pour rendre justice à un double film méprisé à sa sortie, sauf par quelques cinéphiles parisiens furieusement langiens. Cinq DVD pour deux films, puisque ce coffret offre, en guise de super bonus, la version de 1938 réalisée par Richard Eichberg. Soit l’une des trois versions au total, l’autre ayant été assurée en 1920 par Joe May (Lang lui-même, alors sur les rangs, était présumé trop jeune). Avec ce diptyque indo-allemand, Lang livrait l’un de ses derniers coups d’éclats (avant Le Testament du Dr Mabuse en 1960) au sortir d’une période américaine plus que riche mais terminée par une série d’échecs cuisants -parmi lesquels son dernier film hollywoodien, L’Invraisemblable vérité, chef-d’oeuvre absolu de 1955.
Le Tigre du Bengale / Le Tombeau hindou, donc, plaisir simple du serial et de l’exotisme un peu kitsch, aventures en Inde dans la langue de Goethe avec danseuse sacré, architecte courageux et complots autour du Maharadja. Lang lui-même n’aimait pas les films, comme il le confie dans le long entretien fourni en bonus. Qu’on le croit ou non, cela n’a pas d’importance. En tout cas Pierre Rissient, dans une autre interview, se souvient que Lang aimait davantage Le Tigre du Bengale ; « c’est une masse de fonte » martela-t-il à la Cinémathèque de Langlois. Une masse de fonte : on voudrait n’y voir que le dernier caprice d’un cinéaste vieillissant, le génie de Lang éclate au moindre plan, et rappelle à l’ordre le spectateur peu charmé par le kitsch à l’oeuvre ici aux moyens d’une masse de déflagrations purement langiennes (souterrains, maîtrise absolue de l’espace, audace permanente, transparence de la construction) dont la plus spectaculaire serait le coup de feu tirer en direction du soleil (la figure du cercle, emblème du cinéma de Lang).
C’est la vitalité du DVD en tant qu’outil critique qui se joue dans ce type d’édition. Bien sûr ce n’est pas aujourd’hui, en 2003, que l’on va se ridiculiser à vouloir réhabiliter des films tels que ceux-là, mais l’attention et le soin portés par l’éditeur (la peu à peu indispensable collection des « introuvables » de Wild Side Vidéo) à des films reconnus tardivement ou mal connus assoit une dimension qu’ils ont peiné à acquérir : ils sont désormais des classiques. La suite bientôt avec un coffret Fuller : Shock corridor / Naked kiss (encore que ces deux-là, surtout le premier, ne compte pas parmi les oeuvres sous-estimées du cinéaste) et un autre consacré aux films noirs de Kurosawa.