Par sa maladroite tentative de faire se rencontrer brutalement plusieurs genres de cinéma, Singapore sling fait partie de ces films inutilement complexes, dans lesquels la volonté de se démarquer prend le pas sur celle de garder le public en éveil.
Dans ce porno sordide dépassant largement les limites du vulgaire, Nikos Nikolaidis brasse intrigue policière bancale, burlesque mal amené, atmosphère faussement baroque et, à certains moments, dialogues imitant grossièrement le plus mauvais des films de la Nouvelle Vague… Balancés sans intentions apparentes, ces clichés singent de manière très sommaire leurs références (Aldrich, Morrissey, Godard…), et ne peuvent être vus que comme un camouflage mis en place par le réalisateur afin de ne pas rendre trop flagrante son unique volonté de choquer le public. Au bout du compte, cela nous oblige donc, en plus d’avoir à supporter la mise en images des fantasmes de Nikolaidis, à avaler ses assommants effets de style, ses gags maladroits ainsi que ses répliques alambiquées, mis en boucle par un montage aux velléités expérimentales…
Mais au-delà de la forme, Singapore sling ne va pas vraiment aussi loin que ses arguments de vente le laissent penser (discours du réalisateur, affiche effrayante, censure, etc.). Nous avons ici affaire à un film qui dérange légèrement, sans toutefois choquer le spectateur averti. Il faut aussi souligner que l’essentiel est en fait dévoilé lors de la première demi-heure : nécrophilie, inceste, transsexualité, S.M., jeux d’eau, vomi… Forcément, le public s’y habitue vite et finit par s’ennuyer (le film dure deux heures) devant la simple répétition des horreurs précédemment montrées…
Dans le genre, on retiendra plutôt la démarche d’un cinéaste comme Richard Kern, qui ne se prend pas au sérieux, et se limite au format du court métrage afin d’être plus expéditif, plus incisif… Enfin, exposer images dérangeantes à l’aide d’une photo bien léchée, comme Nikolaidis a ici voulu le faire en « sur-esthétisant » son film, n’est pas une trouvaille des plus originales et des plus récentes. Comme beaucoup de pseudo cinéastes d’art et d’essai, celui-ci à l’air de penser qu’un bon rendu visuel suffit pour que l’on crie au chef-d’œuvre pictural… En comparaison, un travail comme celui de Jack Smith avec Flaming creatures paraît bien plus intéressant par son approche photographique qui, contrairement à Singapore sling, ne se limite pas uniquement à l’exercice discipliné d’un bon chef opérateur.