The Eye, annoncé depuis un certain temps comme un monument de terreur, est comme bon nombre de ces films entourés d’une aura esbroufeuse et festivalière (le syndrome de « l’inédit donc génial », qui pourrit une certaine part de la production asiatique depuis plusieurs années). Après la Corée, voici venu le tour de la Thaïlande, comme une sorte de cinquième roue du carrosse : de Bangkok dangerous, qui sort en doublon cette semaine, à The Eye, peu de choses à se mettre, au final, sous la dent. Entre Kyoshi Kurosawa (déluge de spectres sans figures) et Hideo Nakata (slow burn et effets de sursaut sonores en rafales), les frères Pang s’improvisent artificiers du cliché à partir d’une intrigue rachitique -on greffe sur une jeune femme aveugle les yeux d’une autre récemment suicidée : sa vie devient Sixième sens de Shyamalan.
Impossible pourtant de trouver dans ce genre de produit calibré et sans surprise tout ce qui, dans le cinéma fantastique contemporain, consterne souvent au plus haut point (le petit malin qui joue avec les références comme avec des briquettes de Légo, aux Etats-Unis, ou le cancre qui veut refaire un genre qui ne lui a jamais appartenu, en France). C’est que, ici, n’importe rien d’autre que de déplier une « mécanique » et de faire souffler la petite boîte à musique. Qu’un effet sur quatre fonctionne ou que le scénario soit cousu de fil blanc comptent finalement peu. The Eye est une vraie série B, sans grande maîtrise mais parallèlement sans la moindre ironie, qui témoigne avant tout de la vitalité d’une cinématographie et se laisse tranquillement porter par un mouvement plus ample et plus large : celui du genre et de la géographie dans laquelle il lui est possible de travailler en toute intégrité (en gros, au centre du dispositif tracé par les matrices Ring et Kaïro).
De façon tout aussi involontaire, The Eye permet aussi -et surtout- de voir en quoi le dernier et sous-estimé film de Nakata, Dark water, était un authentique et précieux chef-d’œuvre (la réussite de chaque effet comme horizon atteint de mise en scène) : là où Nakata est un orfèvre joaillier, les frères Pang s’accomplissent en petits vendeurs de bijoux fantaisie. La force du cinéma fantastique asiatique vient de ce que ces deux catégories (ou divisions) d’un même genre y cohabitent dans la plus parfaite harmonie.