Sorti en même temps que The Eye, vendu comme une petite sensation estivale, Bangkok dangerous est le premier film réalisé ensemble par Oxide et Danny Pang, fratrie hongkongaise partie chercher fortune en Thaïlande. C’est là, à Bangkok, qu’ils situent l’histoire de Kong, tueur à gages sourd et muet exécutant froidement ses commandes, dont la vie bascule en quelques jours à la faveur d’une rencontre (une jeune fille douce et peu au fait du monde du crime) et d’un désir de vengeance (son mentor est victime d’une embuscade). Le film des Pang ne parvient jamais à trouver son identité, coincé qu’il est entre les expérimentations tocs du Fulltime killer de Johnny To et la quête d’une filiation ratatinée avec les maîtres du gunfight made in Hong Kong (John Woo et Tsui Hark, Bangkok dangerous ayant l’air d’un Time and tide en plastique et bouts de ficelle). Tout n’est pas à jeter, ici, malgré d’épuisantes convulsions maniérées pour un oui pour un non, et des tentatives d’électrifier la mise en scène plus ou moins abouties.
La construction du scénario, dont The Eye reprendra la structure et le rythme, est à double tranchant. Durant une heure s’enchaînent les faits et gestes de Kong -le rituel meurtre-moto-dodo-, chaque nouvelle commande, exposée avec force détails, ne débouchant sur rien d’autre que la suivante. Cela pourrait ouvrir sur un espace intérieur -la description d’un agenda de tueur professionnel façon Ghost dog de Jarmush et l’immersion dans le crâne d’un personnage sans dialogues-, mais cela ressemble surtout à une suite anémiée de situations tendues, mais dans le vide. La vacuité du moindre effet fait écho à cette architecture sans horizon, où les réels enjeux scénaristiques -une fille, une vengeance- débarquant au bout d’une heure de métrage, font l’effet de graines de récit germées au hasard sur un terrain vague et cultivées bon gré mal gré par des réalisateurs davantage occupés à organiser un certain chaos visuel où, puisque tout reste à l’état informe, rien ne pousse.