On connaît le cinéma de l’enfance iranien et sa façon de ressasser les mêmes thèmes comme une ritournelle un peu obsédante : enfance nue contre monde oppressant des adultes, liberté contre autoritarisme, jeu du moi contre jeu des apparences sociales. Il faut donc, pour y trouver un véritable intérêt, en revenir à un autre jeu, celui des listes et des classements, du palmarès et de l’ordonnancement tout à fait gratuits. Sur ce plan, Deux anges ne s’en sort pas trop mal et figure dans le ventre mou du tableau. L’histoire est celle d’Ali, petit bonhomme rêveur qui se prend d’amour pour la musique par le biais du ney, flûte traditionnelle. Evidemment, son père autoritaire et bigot ne l’entend pas de la même oreille et ne va cesser de mettre des bâtons dans les roues du fiston.
De là à dire que le film relève du pipeau, il n’y a qu’un pas. Mais c’est ce pas justement que Mamad Haghighat ne franchit jamais : l’innocence et la naïveté de ce premier long métrage le soustraient à tout effet de mécanisme ou de systématisme trop pesants. Non que Deux anges ne se prive de recettes éculées (le film est un long flash-back et son drame final annoncé dès le début), mais se joue ici un véritable numéro d’équilibriste. On sait la connaissance encyclopédique qu’a le cinéaste du cinéma iranien (il a publié son Histoire) autant que soin intarissable volonté de l’ouvrir au monde occidental par l’intermédiaire de festivals et de programmations diverses à Paris. Impossible donc de ne voir dans le film qu’un exercice d’élève doué : il s’agit plutôt d’une synthèse parfaitement équilibrée de ses multiples variations, réduites en un conte d’une effarante simplicité.
Ce travail, s’il n’ouvre que trop rarement sur une véritable émotion, demeure intéressant dans sa façon de dresser une compilation de motifs et de captations directes de la réalité sociale du pays (trajets en bus de la campagne à la ville, découverte de la bourgeoisie de Téhéran en opposition aux autochtones d’un village replié sur lui-même). Trois personnages permettent au film de se tenir de tout son long : le berger, force douce et tranquille, la mère, nuance dans un monde aux figures trop pleines, et bien sûr Ali, surtout dans les moments simples et inattendus (lorsqu’il hésite à voler la photo de la jeune bourgeoise). Autour d’eux, rien -ni le père, bloc d’autorité fragile, ni le reste du monde- ne semble devoir résister à la possibilité des lendemains et des enchantements.