Dans les toilettes d’un avion, Wendell Armbruster III (Jack Lemmon) échange sa tenue de golf avec son voisin pour aller dignement enterrer son père mort sur son lieu de villégiature, l’île italienne d’Ischia. Cadré avec la grâce de ces publicités locales que l’on voit encore dans certains cinémas (« Le traiteur Leroi vous attend rue Carnot… »), ce début clownesque (les vêtements bariolés du golfeur portent atteinte à sa dignité d’industriel upper-class) donne le ton de la dernière des comédies de Billy Wilder. Un personnage est plongé dans un milieu auquel il est a priori allergique, à savoir le rythme lent du farniente italien et la culture very british d’une voisine d’hôtel anglaise, Pamela (Juliet Mills), la fille de la maîtresse de feu son père. Dès son arrivée, Wendell le puritain doit en effet s’y faire : son vieux paternel venait à Ischia pour bien autre chose que des bains de boue. Le fils finira-t-il par succomber aux charmes de la fille de celle avec qui son père trompa sa mère ? L’allant du titre et son point d’exclamation laissent peu de doutes sur la question…
Avanti ! mérite qu’on le réévalue, tout comme un Hitchcock injustement considéré comme médiocre, Frenzy, réalisé la même année. Dans ces deux films, la couleur rend beaucoup plus triviaux les décors et les costumes que le noir et blanc stylisait. Wilder n’hésite pas à entamer plusieurs séquences avec un bateau filant sur la mer bleue sur fond de crin-crin de mandoline entêtant. Au lieu de prendre le contre-pied d’une Italie de carte postale, il en force le trait jusqu’au kitsch. Au petit jeu des clichés nationaux, Wilder grime aussi les Anglais (Pamela, bohème du Soho londonien, sort avec un sous-Beatle et se sèche les cheveux dans un four) et les Américains (le Secrétaire d’Etat à la Défense qui vient rejoindre Armbruster donne lieu aux répliques les plus politiquement mordantes, en pleine guerre du Vietnam). Méfiez-vous donc du Wilder en vacances, qui devient even wilder, encore plus fou dans l’accumulation de traits satiriques. Mais cette comédie sentimentale tissée sur ce que l’universitaire Stanley Cavell appelle « la comédie du remariage » souffre d’un ralentissement fatal à certains effets comiques. Les répliques sont aussi drôles que dans La Garçonnière, mais elles fusent moins vite. Il n’est pas certain que ce soit là le défaut d’un Wilder vieillissant. Avanti ! lorgne en fait délibérément vers la mort, arrière-plan qui revient régulièrement sur le devant de la scène. L’amour finira par triompher malgré les chamailleries, mais il inscrit les deux vivants dans les pas des amants morts dont ils viennent récupérer les corps ; au maître d’hôtel qui lui expose les difficultés pour trouver un cercueil, Lemmon rétorque « vous pouvez bien m’en déterrer un », dig up signifiant dénicher mais aussi exhumer… Le film conjugue donc, parfois en des accords dissonants, tendresse fleur bleue et humour noir. Le soleil de la côte amalfitaine et le tourisme de luxe renvoient en creux aux heures sombres d’une Amérique enlisée dans une guerre sanglante.