Grand vainqueur de la 56e remise des Golden globes où il remporta trois prix (meilleur film de comédie, meilleure actrice pour Gwyneth Paltrow et meilleur scénario), Shakespeare in love imagine la genèse de la plus célèbre des pièces de théâtre : Roméo et Juliette. Nous sommes en 1593, dans le Londres de l’ère élisabéthaine, où un jeune dramaturge prometteur, William Shakespeare, se morfond, car il manque d’imagination et souffre de l’absence d’une muse. Cette muse prend alors rapidement les traits d’une jeune bourgeoise à l’âme romantique, Lady Viola, qui, rêvant de devenir actrice à une époque où les femmes étaient interdites de scène, se présente au poète déguisée en garçon et le convainc de le/la prendre dans sa troupe. Le stratagème sera découvert très vite et la pièce s’écrira instantanément…
La réussite de ce film tient principalement à l’ingéniosité de son scénario. Un scénario écrit par Tom Stoppard, Marc Norman et Edward Zwick, qui forment ici un trio suffisamment éclectique (les deux premiers étant respectivement les auteurs de Brazil et de L’Ile aux pirates et le troisième, le réalisateur de Légendes d’Automne) pour proposer une histoire romantique, divertissante, mais surtout originale. Car c’est par son originalité que ce scénario est intéressant, par sa volonté de rendre compte de la vie d’un auteur par des procédés qui précisément lui sont propres. Cependant, au-delà de cette volonté somme toute assez prétentieuse (vouloir raconter Shakespeare en écrivant du Shakespeare) se cache au contraire une certaine humilité. Humilité qui se concrétise dans de nombreuses scènes où, ne pouvant exprimer la passion des deux personnages comme l’aurait fait le dramaturge, les scénaristes choisissent de s’éclipser derrière le texte de la pièce.
Il est cependant dommage qu’avec un tel scénario, le réalisateur John Madden, habitué de la reconstitution historique depuis La Dame de Windsor en 1997, ait manqué, lui, d’inspiration dans sa mise en scène. Même s’il est indéniable qu’il a su s’entourer d’acteurs au charme et à l’humour communicatifs (Gwyneth Paltrow en tête, mais également une pléiade de seconds rôles parmi lesquels Judi Dench, Ben Affleck ou encore Ruppert Everet), le cinéaste n’a pas su filmer avec simplicité les décors et les corps qui lui étaient offerts. C’est ainsi que, maladroitement, il se sent obligé de plomber le texte de ses scénaristes, ainsi que celui de Shakespeare, d’une réalisation pompeuse, agrémentée d’une musique suffisamment sirupeuse pour nous rappeler que le spectacle auquel nous assistons est avant tout hollywoodien. Il lui aurait simplement fallu une petite dose de la modestie de son script pour réaliser un film réellement délicieux. Le résultat fait cependant illusion.