Joakim Bouaziz apparaît comme une figure discrète mais certainement valeureuse du paysage musical contemporain. Il faut avant tout saluer le travail de passeur effectué à travers Tigersushi, label et site web dont il est l’un des créateurs et animateurs. Cette envie de faire se rencontrer et s’entrelacer différentes époques et expériences musicales est ce qui fait la force de son nouveau disque, Fantômes. Au-delà du plaisir immédiat qu’il procure, qui prend au corps et vous donne envie de danser, tout simplement (Are you vegeterian, Come into my kitchen, qu’on rapproche instinctivement de Beat connection de LCD Soundsystem, autre brouilleur de pistes), Fantômes suscite aussi cette question inépuisable et plus que jamais d’actualité : comment créer, en toute conscience, avec ce qu’on aime ?
En guise de réponse, Joakim élabore une oeuvre construite comme un savant jeu de faux-semblants, où référence ne signifie pas systématiquement révérence. Il faut tenter d’appréhender ce territoire avec des oreilles vierges, de l’apprécier non comme une suite d’exercices de style mais bien comme une ouverture d’esprit. Et dans cette ouverture s’engouffre toute une kyrielle de spectres musicaux : Brian Eno, Aphex Twin, Syncbeat, Kraftwerk, Suicide, François de Roubaix, Nino Rota, Neu !, Hashim… Mais cette maison drôlement hantée, en fin de compte, ne ressemble qu’à son architecte, Joakim. On songe à ce qu’affirme David Toop dans son essai Ocean of sound : « La musique du futur hybridera quasi-certainement les hybrides à un tel point que l’idée même de source identifiable deviendra un anachronisme. »
Tout auditeur ayant l’habitude de franchir les frontières artificielles des genres musicaux saura parcourir sans peine cette carte du tendre. Un disque majestueux, aussi humble que décomplexé, récréatif que re-créatif, qui enfonce sans peine la majeure partie de la scène eectro française.