Si le film de banlieue est toujours à la recherche d’une forme autonome, se partageant entre réalisme nauséeux (Wesh wesh, qu’est ce qui se passe ? en est à ce jour la plus probante réussite) et tentatives de sophistication extrême (l’axe Richet / Kassovitz), il reste surtout perdu entre différents courants idéologiques, comme si sa légitimité posait problème. Depuis De l’amour de Jean-François Richet et sa remarquable transformation du syndrome « état des lieux / rébellion » en une inattendue morale un rien petite bourgeoise (la banlieue, ce sont aussi des gens qui aiment les soirées en chausson devant la télé, de belles histoires d’amour et de tendresse, une simple question de famille), on assiste à un retrait des films de banlieue dans le glamour, la naïveté et une indolence très années 80.
Comme Le Défi et La Mentale, Fureur joue d’une sophistication lisse et pailletée très « M6 Music » (jeux de néons et photo saturée) sans parvenir à convaincre tout à fait. La faute à une maîtrise des effets mélodramatiques chaotique et incontrôlée (bouffées d’ultra-violence, motif du sacrifice utilisé comme soupape facile,) qui reste à des années lumière de la maestria d’un Richet. Il y a dans cette histoire d’amour impossible entre deux personnages issus de communautés adverses, très proche du China girl de Ferrara, une évidente sincérité, un côté « film de famille » et une relative absence de manichéisme qui émeuvent beaucoup. Mais la confusion répétée entre tragédie et pantomime pompière, l’usage à outrances de références grandiloquentes (Le Parrain et Scarface en étendards délavés) et le jeu souvent pataud de Samuel Le Bihan entraînent rapidement le film du côté du porte-à-faux, dans une sorte de mythologie d’import-export qui, à chaque instant, semble lui échapper. Fureur est cependant beaucoup plus réussi que La Mentale, ne serait-ce que par son côté Rocky du pauvre et sa façon de ne pas faire de ses personnages des héros secs et rigides (le casting est un modèle d’amateurisme fragile et enjoué), mais de simples vignettes aux allures de pantins tristes et finalement extrêmement sympathiques.