Voici donc le chaînon manquant de la saga des frères Wachowski. Un jeu réalisé par Shiny sous le contrôle total des deux « big » brothers. Sur le papier il est effectivement question d’une espèce de volet bonus à la trilogie, étroitement lié à Matrix reloaded, avec en prime des séquences du film inédites exclusivement tournées pour l’occasion. En fait, une série de séquences molles et anecdotiques même pas dignes de figurer en bonus DVD. Admettons qu’on n’espérait pas mieux. Reste le jeu et pas vraiment n’importe lequel selon son distributeur Infogrames -devenu officiellement Atari à l’occasion du lancement d’Enter the matrix. Ainsi nous a-t-on très tôt révélé l’ampleur des ambitions, soit rien de moins que le fait de vouloir révolutionner le jeu vidéo comme l’avait fait Pong (d’Atari, histoire de boucler la boucle et de mijoter un plan promo bien calibré dans le genre putassier) à l’époque. A travers cette promesse, l’idée également de fusionner pour de bon le jeu et le cinéma. Il fallait au moins ça pour aveugler le gamer et lui cacher la réalité, rapidement évidente à l’usage : Enter the matrix n’est qu’une énième adaptation ciné vidéoludique bas de gamme torchée à la va-vite -disponibilité obligatoire au moment de la sortie du film. Dans le genre, elles ne sont pas légion les réalisations a avoir marqué l’histoire du jeu vidéo et le jeu de Shiny confirme une fois de plus que la seule exigence en la matière consiste à titiller le joueur en exploitant un univers familier.
On retrouve naturellement ici les protagonistes et les ennemis habituels de la trilogie. Dans le film, on suit les frasques de Neo et Trinity. Ici, vous devez réitérer à peu près les mêmes actions, à travers une sorte de scénario parallèle dans la peau de Niobe ou de Ghost (au choix), pour faire échouer la destruction de Zion par les machines. En guise de révolution : un banal jeu d’action pour une série de missions de kung-fu Yuen Wo-Ping style, de fusillades interminables, de poursuites en voiture et, surprise du chef, de pilotage du Logos, vaisseau le plus rapide de la flotte rebelle. L’ennui, c’est qu’aucune phase de jeu ne dénote dans cet succession de saynètes affreusement linéaires. Par ailleurs, Shiny, sans doute pour ne pas risquer de rebuter le joueur occasionnel –Enter the matrix illustre parfaitement la stratégie de mainstreamisation du jeu vidéo préconisée par Bruno Bonnell, PDG d’Atari-, a opté pour une action totalement dirigiste : quel que soit l’endroit où vous vous trouvez, vos shoots visent l’ennemi. Parfois vous le touchez, parfois vous le frôlez, c’est purement aléatoire. Même système incontrôlable s’agissant des combat à mains nues : ainsi des wolfmen (quel rapport avec Matrix les wolfmen ???) qu’on achève à coups de pieux après avoir exécuté un paquet de combos de toute façon inefficaces. Reste le fameux « bullet time », évidemment approprié ici. Soit la possibilité de ralentir le temps et de défier la gravité pour bastoner peinard vos opposants. Problème : il y a 2 ans, Max Payne exploitait déjà la technique.
Décidément Enter the matrix n’a rien pour lui, sinon le fait d’exploiter -mollement- l’univers des frères Wachowski. On aurait pu espérer au moins une réalisation technique haut de gamme, or celle-ci ne relève même pas le niveau. Les bugs non plus. Comment se fait-il, par exemple, qu’une fois l’ennemi à terre, le jeu reste parfois locké quelques secondes en phase combat et bloque ainsi la progression du joueur ? Baclé Enter the matrix ? Contents les frères Wachowski ? Finalement, c’est encore ce qui distingue le marché vidéoludique du cinéma : si le blockbuster au ciné pêche par son scénario, on peut être à peu près certain d’avoir affaire à une réalisation technique sans faille. Dans le jeu vidéo, même pas.