Décidément inséparable, le duo Spike Jonze-Charlie Kaufman remet ça après le succès surprise de Dans la peau de John Malkovich et un détour par le premier long métrage de Michel Gondry, Human nature, écrit par Kaufman, produit par Jonze. Avec Adaptation, les deux hommes nous réservent peu de surprises et confirment la primauté toute puissante du scénario dans leur cinéma. Plus qu’un film réalisé par Spike Jonze, Adaptation est surtout un film écrit par Charlie Kaufman. Fondé sur la vraie vie du scénariste, le récit suit les atermoiements d’un auteur (Kaufman lui-même, ici interprété par Nicolas Cage) qui n’arrive pas à adapter pour l’écran le roman de Susan Oleander, Le Voleur d’orchidée, best-seller qui existe réellement. En petit malin, Charlie Kaufman a ainsi su utilisé son incapacité à écrire une adaptation pour détourner la commande initiale et construire une histoire qui repose justement sur cette impossibilité. En résulte une oeuvre évidemment brillante, maîtrisée de bout en bout par son démiurge qui tire une à une les ficelles d’un récit dont les péripéties s’imbriquent avec une extrême précision, peut-être trop… Car à force de contrôle, Adaptation finit par devenir aussi prévisible qu’un blockbuster lambda pour celui qui a su pénétrer le système Kaufman.
Ici, rien n’imprime la pellicule par hasard et chaque composante de l’histoire se doit d’être rattachée aux grands « câbles » sémantiques qui la structurent. Il en va ainsi du frère jumeau du héros, auteur tâcheron formé aux méthodes « rationalistes » des charlatans du scénario et censé représenter l’exact contraire de Kaufman, écrivain intègre et indépendant, évidemment en proie au doute. Même la performance de Nicolas Cage (presque chauve et alourdi d’au moins quinze kilos) semble programmée pour une citation aux Oscars qui adorent -comme on le vérifie chaque année- récompenser les transformations spectaculaires (voir Nicole Kidman et son faux nez de The Hours cités cette année pour la meilleur actrice). Primauté de l’écrit sur l’image oblige, la méthode Kaufman laisse peu de place à la réalisation de Spike Jonze qui filme platement les remises en question de ses personnages (le plus souvent une litanie de voix off citant de pauvres aphorismes sur la vie, l’amour, etc.). Malgré quelques passages drôles (le trip de Meryl Streep shootée à la coke écolo) qui agissent comme des soupapes d’air frais, Adaptation peine à donner vie à ses personnages, rouages uniformes d’une mécanique trop bien huilée pour être vraiment passionnante.